Le Pirée 1951-2011: Stagnation démographique dans une métropole dynamique
2017 | Fév
En comparaison des autres zones centrales de la ville, le Pirée présente une population stable pour toute la période qui suit 1950 [1]. Cette stabilité commence d’ailleurs bien avant. La municipalité du Pirée (DP) enregistre le plus grand nombre d’habitants (193 000) en 1928 (Mpournova, 2016), chiffre qu’elle conserve avec de petites variations jusqu’à aujourd’hui. Cette évolution est très différente de la forte augmentation puis du fléchissement démographique important de la municipalité d’Athènes (DA) ou des tendances à l’augmentation que présentent les zones autour de la municipalité d’Athènes et, dans une moindre mesure, celles entourant la municipalité du Pirée (Figure 1).
Figure 1: Population des municipalités centrales de la région métropolitaine d’Athènes 1951-2011 (milliers d’habitants par zone)
Municipalités de la zone du Pirée (DP): Nikaia, Korydallos, Keratsini, Drapetsona, Perama, Ag. I. Rentis
Municipalités de la zone d’Athènes (DA) : Vyronas, Galatsi, Dafni, Zografou, Kaisariani, Kallithea, Nea Smyrni, Ymittos
Source: ELSTAT, Recensements (https://panorama.statistics.gr/)
La stabilité de la population de la municipalité du Pirée en chiffres absolus semble ne pas avoir suivi l’augmentation rapide de la population de l’ensemble de la ville d’Athènes (Figure 2) durant la période de l’après-guerre (Kotzamanis, 1997).
Figure 2: Évolution de la population de la métropole athénienne (Région Attique) 1951-2011
Source: ELSTAT, Recensements (https://panorama.statistics.gr/)
Parallèlement, la municipalité du Pirée et, dans une certaine mesure, les municipalités qui l’entourent présentent après 1980 un léger fléchissement démographique, qui s’inverse toutefois légèrement dans les années 1990 pour se redresser dans les années 2000. Cette tendance ne diffère pas de façon significative de celle de la municipalité d’Athènes et de la plupart des municipalités limitrophes, puisque toutes les zones centrales de la cuvette athénienne présentent un fléchissement démographique qui semble généralisé depuis les années 1970. La réduction de leur poids démographique est due principalement à l’extension de la ville ainsi qu’au déplacement progressif du domicile de leurs habitants vers les banlieues.
Ce fléchissement démographique, en particulier pour les deux municipalités centrales, est encore plus important si on le calcule en termes relatifs, c’est-à-dire en considérant la variation de la part des municipalités centrales sur l’ensemble de la population de la métropole. La tendance pour l’ensemble des zones centrales change et montre un net fléchissement (Figure 3). La diminution du poids démographique spécifique sur l’ensemble de la ville pour la période 1951-2011 est plus importante pour la municipalité du Pirée (-68%). La municipalité d’Athènes présente une diminution de 57% et les municipalités environnantes de 12%, contre 34% pour les municipalités autour du Pirée.
Figure 3: Pourcentage de la population des municipalités centrales de la région métropolitaine d’Athènes 1951-2011
Municipalités de la zone du Pirée (DP): Nikaia, Korydallos, Keratsini, Drapetsona, Perama, Ag. I. Rentis
Municipalité de la zone d’Athènes (DA) : Vyronas, Galatsi, Dafni, Zografou, Kaisariani, Kallithea, Nea Smyrni, Ymittos
Source: ELSTAT, Recensements (https://panorama.statistics.gr/)
Si l’on cherche à interpréter le comportement démographique des deux centres principaux de la cuvette athénienne et des zones qui les entourent, plusieurs facteurs peuvent être mentionnés. Tout d’abord, le Pirée n’avait pas autant d’espace disponible qu’Athènes pour étendre sa zone d’habitation, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. La municipalité du Pirée a connu une urbanisation relativement dense dès le début de l’après-guerre, tout en ne disposant pas des conditions urbanistiques (comme des axes routiers larges) et économiques (le prix de la terre) favorables sauf dans quelques zones centrales, qui étaient cependant déjà les plus développées. La périphérie de la municipalité et la plupart des municipalités limitrophes constituaient par excellence des zones où s’étaient développées l’autoconstruction populaire périphérique et la construction sans permis, si bien qu’elles se développèrent dans des zones où les particularités sociales et urbanistiques ont empêché, pendant longtemps, la construction en hauteur.
La différence dans le développement démographique entre les deux municipalités centrales semble résider dans le fait que le centre d’Athènes se régla sur le développement urbain fulgurant de la ville dans les années 50 et 60, développement auquel contribua de façon importante l’augmentation de la population, au contraire de la municipalité du Pirée qui en 60 ans, conserva à peu près le même nombre d’habitants sans variations importantes au fil du temps. Cette différence se reflète nettement dans la dynamique de la construction dans les deux centres : le centre d’Athènes fut massivement construit entre 1946 et 1970 grâce au système de la contre-prestation (antiparochi) [2],concentrant un habitat moderne, pour les classes moyennes et aisées de l’époque ; celui du Pirée a suivi la même direction une décennie plus tard, quand avaient déjà commencé à se manifester les effets négatifs du développement urbanistique suivant ces modalités à Athènes, et alors que les classes sociales moyennes et aisées commençaient à préférer massivement habiter les banlieues nord et sud de la ville. Le graphique 4 fait clairement ressortir ce retard du Pirée dans le processus de construction de nouveaux logements.
Figure 4: Pourcentage des personnes habitant dans des immeubles selon la période de construction dans les municipalités d’Athènes et du Pirée (2011)
Source: ELSTAT, Recensement 2011 (https://panorama.statistics.gr/)
Si l’augmentation limitée de la population du Pirée au cours des décennies de fort développement de la ville est due dans une certaine mesure aux facteurs ci-dessus, le ralentissement limité à partir de 1970 peut éventuellement être attribué aux secteurs d’emploi locaux, implantés presque exclusivement au Pirée, et au fait que le déplacement vers les banlieues est plus difficile que celui à partir d’Athènes. Toute la zone du Pirée ne dispose pas en fait de banlieues susceptibles de susciter chez les classes moyennes et aisées le désir d’y résider, tandis que les banlieues nord et sud, ainsi que l’Attique orientale, se trouvent à des distances plutôt dissuasives pour des déplacements quotidiens.
Par exemple, le déplacement professionnel vers les municipalités d’Athènes et du Pirée à partir de banlieues rangées dans des catégories à valeur immobilière élevée, [3] présentait la tendance suivante en 2001 : 38 651 en direction d’Athènes et 4 806 en direction du Pirée (soit près du double pour Athènes, compte tenu de la population des deux municipalités). Nous présentons toutefois une comparaison plus précise dans le graphique 5, qui traduit de façon nette la difficulté de déplacement comparée à partir des banlieues nord les plus éloignées en direction du Pirée.
Figure 5: Nombre de personnes effectuant un déplacement quotidien pour leur travail en direction des municipalités d’Athènes et du Pirée pour 1000 habitants et par municipalité d’origine (2001)
Source: ELSTAT, Recensement 2001 (https://panorama.statistics.gr/)
Une dernière caractéristique, en ce qui concerne la stabilité plus grande de la population du Pirée par rapport à celle de la municipalité centrale d’Athènes est lié à l’afflux d’une population migrante au cours de la décennie 1990. On constate un fléchissement de la population dans la municipalité d’Athènes au cours de la période 1991-2001(-2%) malgré un grand afflux de migrants en provenance d’Europe de l’Est et des pays en voie de développement extérieurs à l’Europe, dont le nombre avait atteint en 2001 16,2% de la population de la municipalité. A contrario, la municipalité du Pirée présente une augmentation de 5,3% durant la même période, augmentation qui s’appuyait bien moins sur la présence de migrants (8,4% de la population en 2001). L’évolution a été similaire durant les années 2000. En 2011, la population de migrants (abstraction faite toujours des pays développés) avait atteint 20,8% pour la municipalité d’Athènes et 9,4% pour celle du Pirée.
Il est évident que ce qui apparaît comme une stabilité voire comme un fléchissement dans le développement démographique du Pirée au cours des dernières décennies est un phénomène multifactoriel qui ne peut pas être étudié indépendamment des évolutions dans l’ensemble de la ville. Il est également manifeste que tout développement de politiques visant à redynamiser – sur le plan démographique mais aussi plus largement – ne saurait s’appuyer sur des hypothèses et des analyses unidimensionnelles.
Map 1: Variation de la population résidente entre 1991 et 2011 dans les municipalités de la Région Attique
[1] Le présent texte a été publié sous une forme antérieure dans le premier fascicule du périodique Π (Pirée), mars 2011, pp. 7-9.
[2] The flats-for-land system is a barter system based on an agreement between a land owner and a builder-contractor to construct a building and split the ownership of the apartments and/or offices and shops built, as per an initial contract describing each side’s level of participation in the relevant investment.
[3] On a relevé, sur la base des données du Recensement de 2001, les déplacements effectués vers les municipalités d’Athènes et du Pirée par des habitants des municipalités de Kifissia, Psychiko, Philothéï, Ekali, Aghia Paraskevi, Halandri, Maroussi, Glyfada, Voula et Vouliagmeni
Référence de la notice
Maloutas, Th. (2017) Le Pirée 1951-2011: Stagnation démographique dans une métropole dynamique, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/le-piree-stagnation-demographique/ , DOI: 10.17902/20971.69
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Κοτζαμάνης Β (1997) Αθήνα, 1848-1995. Η δημογραφική ανάδυση μιας μητρόπολης. Επιθεώρηση Κοινωνικών Ερευνών 92–93: 3–30. Available from: http://ejournals.epublishing.ekt.gr/index.php/ekke/article/viewFile/7291/7011.pdf
- Μπουρνόβα Ε (2016) Οι κάτοικοι των Αθηνών, 1900-1960. Δημογραφία. Αθήνα: Εθνικό και Καποδιστριακό Πανεπιστήμιο Αθηνών, Εθνικό Κέντρο Τεκμηρίωσης. Available from: http://ebooks.epublishing.ekt.gr/index.php/econ/catalog/view/4/10/110-1