2015 | Déc
Les industries de la culture et de la création occupent une place importante dans l’économie moderne des villes, notamment des plus grandes d’entre elles, et contribuent à façonner le paysage urbain. À Athènes, on observe ces dernières années une très forte concentration des activités culturelles pour toute une série de raisons, dont la taille importante de la population, la main-d’œuvre spécialisée et la disponibilité de biens intermédiaires. Les théâtres constituent une part importante des activités culturelles, et leur augmentation dynamique n’a pas été interrompue par la crise socio-économique actuelle. Il est significatif que les scènes de théâtre ont augmenté à Athènes de 153% durant la période 2000-2014, tandis que 70% des scènes ouvertes après 2000 l’ont été après le début de la récession (2008-2014).
Carte 1 : Emplacement des théâtres du Grand-Athènes
Carte 2 : Emplacement des théâtres en plein air et des salles de théâtre du Grand-Athènes
On compte aujourd’hui à Athènes 152 salles de théâtre [1]. Leur ancienneté est très variable et elle ne concerne pas l’année de construction du bâtiment mais l’ouverture du théâtre, qui très souvent se trouve dans un vieux bâtiment complètement réaménagé. Cette pratique est d’ailleurs la plus fréquente pour les théâtres récents, du moment que la tendance à leur concentration spatiale concerne des quartiers avec des bâtiments anciens et une grande concentration de bâtiments classés. Plus précisément, 17% des scènes de théâtre existantes ont ouvert avant les années 1980, 26% dans les années 1980 et 1990, et 57% après 2000. Rénovations et reconstructions d’anciens théâtres et créations de nouveaux théâtres sur toute l’étendue de la municipalité d’Athènes ont déjà créé un capital théâtral spécifique et important pour Athènes, qui tend à se développer encore.
On constate donc que le secteur théâtral est particulièrement dynamique à Athènes, notamment en comparaison des données de 2000, lorsque les scènes athéniennes ne dépassaient pas 60, avec une augmentation de 153%. Il faut relever que sur l’ensemble des théâtres ouverts après 2000, où l’on voit la plus forte augmentation, 60% environ l’ont été entre 2010 et 2014. On observe donc une augmentation remarquable des théâtres au cours des quatre dernières années par rapport à la décennie précédente (2000-2009).
En ce qui concerne la localisation des concentrations spatiales de l’activité théâtrale sur toute l’étendue d’Athènes, les salles de théâtre se concentrent traditionnellement à l’intérieur des limites de la municipalité d’Athènes, qui monopolise l’activité théâtrale de la ville (et du pays). Les diverses concentrations spatiales de scènes athéniennes se trouvent dans les quartiers suivants :
- au centre de la ville, de chaque côté de l’avenue Panepistimiou et de la rue Stadiou, et à Kolonaki,
- des deux côtés de la rue Patision, à Kypséli,
- au nord de la rue Pireos, au Metaxourgio,
- au sud de l’avenue Alexandras, à Exarchia,
- au nord de la rue Pireos, à Gazi,
- au sud de la rue Pireos, à Psyrri, et
- au Votanikos.
On observe des concentrations plus petites à Ilisia-Zografou, à Koukaki-Kallithéa, et de chaque côté de la rue Pireos à Tavros, à l’extérieur de la municipalité, mais dans des quartiers tout proches. On trouve encore quelques concentrations plus petites en dehors de la municipalité d’Athènes à Néos Kosmos et au Pirée.
Il semble qu’au cours de la période 2000-2014 en particulier, où l’activité théâtrale a augmenté de façon spectaculaire, se sont développées les tendances spatiales suivantes :
- les concentrations de théâtres « traditionnelles » se sont maintenues avec un faible rythme d’augmentation surtout dans le centre de la ville et à Exarchia,
- les concentrations spatiales moins traditionnelles mais préexistantes se sont particulièrement renforcées, comme au Metaxourgio, à Gazi et à Kypséli,
- de nouvelles concentrations, dynamiques, ont fait leur apparition au Votanikos, au Keramikos, à Néos Kosmos et à Tavros.
L’installation et l’augmentation des théâtres dans les quartiers ci-dessus sont dues à différents facteurs. À Gazi, au Metaxourgio, au Keramikos et au Votanikos, l’installation de théâtres a été favorisée par le parc immobilier, des bâtiments industriels surtout, par les loyers bas et la proximité immédiate avec le centre d’Athènes (Αυδίκος 2014). La réhabilitation de ces quartiers à partir des années 90, et notamment l’arrivée d’un public particulier à Gazi, la création de la Technopolis en 1999 et la nouvelle station de métro du Keramikos en 2007, ont contribué à changer l’image de ces quartiers ; exploitant le caractère culturel particulier qui s’y était déjà développé, ces quartiers ont créé un environnement favorable pour attirer d’autres activités culturelles. À Néos Kosmos, l’un des facteurs importants pour l’augmentation de l’activité culturelle, et plus particulièrement des scènes de théâtre, a été l’ouverture du « Foyer des Arts et des Lettres » (Centre culturel Onassis) en 2010. Il est significatif que trois nouvelles petites salles de théâtre aient ouvert leurs portes cette année-là dans le quartier.
À Tavros, l’installation de nouvelles salles de théâtre a suivi l’ouverture de la « Fondation Michalis Cacoyannis », du centre culturel de la « Fondation du Monde hellénique » ; la rue Pireos devenait ainsi un nouveau pôle culturel dynamique d’Athènes. La concentration spatiale des sociétés de théâtre, mais aussi le développement du secteur théâtral en général, ont contribué à réduire les frais de fonctionnement des entreprises de théâtre, en créant des conditions pour un renforcement encore plus grand du secteur (Αυδίκος 2014). Le glissement du modèle entrepreneurial en direction du modèle acteur-metteur en scène-entrepreneur (pas nécessairement pour le même spectacle) a également contribué en ce sens.
Les constats ci-dessus ne concernent pas les théâtres en plein air d’Athènes, pour lesquels on observe d’autres tendances, dans la mesure où l’on ne note pas d’augmentation remarquable entre 2000 et 2014. Les théâtres en plein air d’Athènes sont éparpillés à travers l’ensemble de l’agglomération urbaine, en raison de leurs modalités de fonctionnement, du fait que la moitié environ des 30 théâtres en plein air sont exploités par des municipalités.
Contrairement aux salles de théâtres, l’exploitation des théâtres en plein air est considérée aujourd’hui comme non rentable et beaucoup des théâtres connus de la ville ont fermé, affaiblissant les concentrations plus anciennes de théâtres en plein air (traditionnellement autour du Pedion Areos). Les pressions du marché immobilier contribuent à ce phénomène, du moment que les théâtres en plein air, de par leur particularisme, tendent à occuper de façon exclusive les terrains qui les accueillent.
En ce qui concerne la capacité des théâtres athéniens, le plus grand nombre d’entre eux (57%) ont une petite capacité, de moins de 200 places. Les petits théâtres se localisent surtout dans les quartiers périphériques du centre, notamment à Kypséli, au Metaxourgio, au Votanikos, à Gazi, à Exarchia et au Keramikos. De manière générale toutefois, on n’observe pas de modèle spatial fort pour la répartition des théâtres en fonction de leur capacité, même s’il existe une tendance plus grande à la concentration des plus grands de ces petits théâtres dans les concentrations traditionnelles de théâtres (Centre et Kypséli). Environ 70% des petits théâtres ont ouvert leurs portes après 2000, contrairement aux théâtres moyens (400-700 places) qui datent plutôt des décennies précédentes (jusqu’en 1970).
On trouve à Athènes cinq grands théâtres de plus de 1000 places. Quatre d’entre eux ont ouvert leurs portes entre 2005 et 2014. Il s’agit du théâtre Badminton – un héritage des Jeux Olympiques, comme l’indique son nom-, du théâtre du Centre culturel du Monde hellénique, du théâtre du Foyer des Arts et des Lettres de la Fondation Onassis, et du théâtre Panthéon. La construction de ces quatre nouveaux théâtres spacieux souligne le manque qu’il y avait en espaces capables d’accueillir de grandes productions, puisque, mis à part le théâtre Pallas (qui est toujours le plus grand théâtre d’Athènes), construit en 1932, il n’y avait pas de théâtre avec une telle capacité avant 2005, date d’ouverture du Badminton.
Carte 3 : Capacité des salles de théâtre du Grand-Athènes
Carte 4 : Capacité des théâtres en plein air du Grand-Athènes
Contrairement aux décennies précédentes (surtout jusque dans les années 90) il n’y a pas de modèle en ce qui concerne les genres et le répertoire des scènes athéniennes. On observe une grande variété dans la forme des espaces, qui se reflète dans le répertoire et le contenu des représentations. On remarque ainsi de grandes scènes pour grosses productions et grands spectacles (par ex. music-hall), des théâtres « traditionnels » avec une capacité de 150-250 places offrant diverses représentations du répertoire classique et moderne, de petits théâtres d’improvisation dans des espaces servant à d’autres usages, des scènes expérimentales, des « ruches » théâtrales à plusieurs scènes, des multi-espaces artistiques pour de petites représentations et des espaces modulables dans des restaurants ou des bars qui accueillent habituellement des représentations musico-théâtrales.
Il est évident que l’activité théâtrale à Athènes représente une grande part de l’événement culturel, comme on peut le voir dans l’augmentation importante des scènes de théâtre, dans le renforcement de la mobilité théâtrale mais aussi par la résilience du secteur à la crise socio-économique. L’importation et l’« ancrage » de nouvelles formes de théâtre dans l’espace grec au cours des dernières années, comme le music-hall et les superproductions coûteuses accueillies par les grands théâtres construits au cours de la dernière décennie, renforcent le précédent constat. Il semble donc que l’on voit apparaître à Athènes ces dernières années des conditions pour un « printemps théâtral » ayant produit un capital culturel important, qui n’a toutefois pas été stratégiquement capitalisé en direction de la promotion du tourisme.
Référence de la notice
Deffner, A. M., Lalou, G., Psatha, E. (2015) Les théâtres, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/theatres/ , DOI: 10.17902/20971.43
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Αυδίκος Β (2014) Οι Πολιτιστικές και Δημιουργικές Βιομηχανίες στην Ελλάδα. Θεσσαλονίκη: Επίκεντρο.
- Συλλογικό Έργο (2002) Κοινωνικός και Οικονομικός Άτλας της Ελλάδας. Οι πόλεις. Μαλούτας Θ (επιμ.), Αθήνα, Βόλος: Εθνικό Κέντρο Κοινωνικών Ερευνών, Gutenberg, Γιώργος & Κώστας Δαρδανός, Πανεπιστημιακές Εκδόσεις Θεσσαλίας.