Logique et pratique des niveaux d’administration : la gouvernance métropolitaine
Chorianopoulos Ioannis|Pagonis Thanos
Aménagement, Politique
2015 | Déc
On peut comprendre au premier coup d’œil que l’espace métropolitain est le champ dans lequel on enregistre les impacts économiques et sociaux d’un noyau urbain. La détermination de la Zone urbaine fonctionnelle concerne le cadre de planification de l’espace dans la plupart des pays européens dès l’après-guerre, tandis que l’apparition de la « périphérie métropolitaine » à un niveau de gouvernance séparé indique le poids spécifique de cette échelle dans les questions de régulation de l’espace urbain. Dans le cas d’Athènes, le manque de recherches de ce genre de la part de l’administration centrale jusqu’à il y a peu, fait écho à la prédominance politique de ceux qui considéraient la croissance urbaine anarchique comme le moyen le plus rapide de développement économique.
La revendication politique pour la constitution de structures métropolitaines dans la planification spatiale d’Athènes commence à se préciser dans les années 1980 (Plan directeur de 1985), en réponse aux disfonctionnements et aux impasses environnementales de la ville, sans que cela s’accompagne toutefois d’une restructuration appropriée des niveaux administratifs. Parallèlement, toute une série de nouveaux défis de gouvernance font à ce moment-là leur apparition sur le devant de la scène, qui concernent surtout la gestion des programmes de développement de l’Union européenne. Au cours des deux décennies suivantes, on observe un grand effort pour réaliser des réformes administratives de la gestion de l’espace. Nous mentionnerons à titre indicatif la création de la Région Attique (1986), la promotion des cinq administrations préfectorales (Athènes, Le Pirée, superpréfecture Athènes-Le Pirée, Attique orientale, Attique occidentale) au rang d’autorités politiques (1994), ainsi qu’un certain nombre de fusions de municipalités et communes dans le cadre du programme « Capodistria » (1997). Malgré les changements de cette période, les tentatives de réforme achoppent souvent à des obstacles institutionnels et se terminent par des reculades. La question épineuse du transfert des compétences en matière de planification de l’espace de l’administration centrale à l’administration autonome locale se révèle un problème central, qui a fait l’objet à lui seul d’une jurisprudence séparée du CdE (Βασενχόβεν et al. 2010). Et finalement, la décision de constituer une autorité politique démocratiquement comptable et responsable de l’ensemble de l’espace métropolitain de la ville n’a pas abouti. Si bien que l’orientation du développement de la région d’Athènes est restée de la compétence de l’administration de l’État central.
Carte 1: Le decoupage regional de l’Attique
Au cours de la période de préparation des J. O., le manque de structures de gouvernance adéquates a conduit à faire le choix politique de confier la responsabilité principale de la planification d’Athènes à l’administration centrale. Malgré l’importance cruciale des interventions pour le développement futur de la ville, toute l’entreprise a été considérée comme un épisode de gouvernance particulier dans le cadre du fonctionnement conventionnel de l’administration, et de ce fait elle a été réalisée via un cadre législatif et organisationnel spécial. C’est ainsi que l’on a facilité les dérogations au Plan directeur d’Athènes qui faisait obstacle à la planification des Jeux (Chorianopoulos et al. 2010). On a ainsi perdu toutefois l’occasion de restructurer la gouvernance métropolitaine sur une nouvelle base plus rationnelle. Parallèlement, le transfert de compétences fondamentales pour la planification de la métropole à différents organes et instances ad hoc a entraîné un sérieux déficit démocratique. Cette conjoncture passe à son tour à la période post-olympique par la prorogation ad infinitum de la validité de la clause du régime d’exception pour les régions des projets olympiques. Dans les années suivantes, l’incapacité de gérer les problèmes d’importance métropolitaine induite par cette logique fragmentaire apparut de façon évidente, effaçant dans une certaine mesure les bénéfices offerts à Athènes par l’occurrence olympique.
L’effort récent de réorganiser les structures territoriales, le fameux programme « Kallikratis » (2010), a entrepris de répondre à ces problèmes. L’adoption de la création d’une région métropolitaine en tant qu’instance de gouvernance politique a fait passer d’importantes compétences concernant la métropole à cette administration autonome locale. Parallèlement, les 122 municipalités et communes de la Région fusionnent en 66 autorités municipales. La nouvelle architecture de gouvernance de la métropole, ainsi que la répartition des compétences entre les différents niveaux de décisions sont présentées succinctement dans la figure 1.
Figure: Les niveaux administratifs
La réforme « Kallikratis » s’inspire d’exemples similaires de restructuration administrative territoriale qui ont eu lieu dans les pays de l’UE au cours de ces deux dernières décennies. Leur objectif est d’améliorer le rapport coût-efficacité dans les prestations de services, mais aussi de créer de nouvelles possibilités institutionnelles pour soutenir l’orientation européenne de développement des économies locales reposant sur des modèles compétitifs. En même temps, la présence accrue des instances et groupes d’intérêts locaux dans des plateformes participatives spéciales pour la prise de décisions, les « Commissions consultatives », légitime la nouvelle hiérarchisation des objectifs, en rendant les communautés locales responsables de leurs choix (Chorianopoulos 2012). Ces priorités apparaissent clairement dans les nouvelles structures de gouvernance d’Athènes. Un changement important, entre autres, réside dans la représentation d’Athènes au Comité des régions résultant de l’institution de la région métropolitaine. De plus les unités administratives autonomes élargies peuvent désormais participer à des Groupements européens de coopération territoriale, c’est-à-dire à des « consortiums » de développement avec des instances d’autres pays membres de l’UE dans le but de promouvoir leurs intérêts économiques communs.
Toutefois la restructuration du programme « Kallikratis » s’accompagne de « dépendances » exemplaires par rapport au passé centralisateur récent, ce qui soulève la question de savoir dans quelle mesure ces nouvelles structures répondront aux objectifs escomptés. La procédure de création des nouvelles unités municipales par exemple a été imposée de façon arbitraire en unifiant administrativement les collectivités locales limitrophes, sans tenir compte des limites fonctionnelles des zones partielles. De façon encore plus caractéristique, les compétences principales pour la planification de l’espace via l’approbation des plans d’urbanisme généraux, mais aussi le suivi de l’application du Plan directeur et des Zones d’urbanisme contrôlé (ΖΟΕ) restent sous la juridiction de l’administration centrale.
La crise actuelle, ainsi que le régime spécial de gouvernance découlant des engagements et des obligations du pays suite aux mémorandums constituent des facteurs importants qui déterminent le cadre fonctionnel et les pratiques des nouvelles structures. Ces conditions spéciales aboutissent à des changements de priorité politiques, et ramènent sur le devant de la scène la logique du développement rapide, indépendamment du coût, tout en s’accompagnant d’aménagements dans les structures de gouvernance rappelant les logiques fragmentaires de la période précédente. Un exemple symptomatique en est la manière dont l’administration centrale a fait avancer les investissements stratégiques en Attique en accordant des régimes d’exception à certaines zones, comme Elliniko ou la Riviera du golfe Saronique. Il convient en même temps de relever la présence accrue de fondations privées dans les initiatives de réaménagement et de planification d’importance métropolitaine, fondations qui sont promues au rang de partenaire important de l’administration centrale pour soutenir les nouveaux objectifs des politiques. La figure 2 résume ces changements, en soulignant la surreprésentation des instances contrôlées par l’administration centrale dans la gouvernance de l’espace métropolitain. Les enjeux politiques semblent se concentrer principalement sur le centre d’Athènes, où la question de la collaboration entre administration centrale, administration métropolitaine et administration locale reste toujours pendante.
Figure 2: Schéma de l’évolution des responsabilités du gouvernement central dans la planification métropolitaine d’Athènes
Référence de la notice
Chorianopoulos, I., Pagonis, T. (2015) Logique et pratique des niveaux d’administration : la gouvernance métropolitaine, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/gouvernance-metropolitaine/ , DOI: 10.17902/20971.46
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Βασενχόβεν Λ, Ασπρογέρακας Ε, Γιαννίρης Η, κ.ά. (2010) Χωρική διακυβέρνηση: Θεωρία, Eυρωπαϊκή εμπειρία και η περίπτωση της Ελλάδας. Βασενχόβεν Λ, Ασπρογέρακας Ε, Γιαννίρης Η, κ.ά. (επιμ.), Αθήνα: Κριτική.
- Chorianopoulos I (2012) State spatial restructuring in Greece: forced rescaling, unresponsive localities. European Urban and Regional Studies, Sage Publications 19(4): 331–348.
- Chorianopoulos I, Pagonis T, Koukoulas S, et al. (2010) Planning, competitiveness and sprawl in the Mediterranean city: The case of Athens. Cities, Elsevier 27(4): 249–259.