« Agronautes » en ville. Paniers de légumes dans les quartiers de la ville et Agriculture contractuelle de proximité
Anthopoulou Theodosia|Partalidou Maria
Quartiers, Économie Sociale
2015 | Déc
L’Agriculture contractuelle de proximité (Community Supported Agriculture) a introduit le concept d’agriculture solidaire reposant sur la collaboration mutuellement bénéficiaire entre un producteur (ou un groupe de producteurs d’une région rurale) et un groupe de consommateurs en ville. Les producteurs fournissent chaque semaine aux consommateurs un panier de légumes biologiques frais (et parfois d’autres produits de l’exploitation agricole, comme fruits, œufs, volaille, produits laitiers, …) après accord passé en début de saison. Cet accord précise le genre de produits du panier selon la saison, ainsi que leur prix, qui soit juste pour les deux parties. Les consommateurs paient leurs paniers de la saison à l’avance, soutenant ainsi concrètement le producteur (Cox et al. 2008).
L’Agriculture contractuelle de proximité (ACP) constitue un modèle alternatif d’organisation de la production agricole et d’organisation de toute la chaîne alimentaire au niveau d’une région, sans intermédiaires ni grossistes. Les producteurs viennent en contact direct avec les consommateurs du groupe, ils discutent et décident ensemble des méthodes de culture, du contenu du panier et des problèmes pratiques concernant les modalités de livraisons et de paiement. Il s’agit en résumé d’une autre forme de « chaîne courte d’approvisionnement alimentaire » (short food supply chain), où agriculteurs et consommateurs développent des liens étroits sur la base d’une confiance réciproque dans le cadre d’un « réseau de citoyens » en devenir (Renting et al. 2012). De cette façon, les responsabilités, les risques et les revenus des cultures sont partagés entre tous. Pour le producteur, participer à un réseau ACP offre une sécurité financière grâce à des achats garantis, y compris dans les périodes difficiles pour les cultures (risques naturels et économiques). Le consommateur a la possibilité de suivre un régime sain et équilibré, de retrouver le contact avec la campagne et d’agir en tant que citoyen actif qui contribue à la protection de l’environnement et à la biodiversité (agriculture biologique, utilisation de semences locales), ainsi qu’au tissu socio-économique des communautés rurales.
Ces systèmes très variés, qui élargissent les marchés locaux et les petits réseaux de distribution, sont essentiellement des démarches volontaires ou des initiatives collectives (Allaire 2013), conduites soit par les producteurs (comme les fameuses AMAP en France – Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) soit par les consommateurs (comme les Gruppi di Acquisto Solidale – Groupes d’achats solidaires en Italie) voire par les réseaux de distribution (comme le Commerce solidaire). Dans tous les cas, l’ACP défend et renforce la petite agriculture familiale et la transformation à domicile, les produits locaux AOC, les produits ayant une saveur typée, les méthodes de production biologiques et biodynamiques suivies par des producteurs soucieux d’environnement, de biodiversité, de santé publique et de stabilité des prix, qui s’adressent à des consommateurs actifs en ville, critiques vis-à-vis des grands réseaux de distribution internationaux et de l’industrie alimentaire mondialisée.
L’ACP s’est développée dans les années 60 en Europe (notamment en Suisse et en Allemagne), alors qu’on voyait les villes s’étendre rapidement et l’agriculture se couper des lieux de production et des communautés rurales, emportés par le tourbillon de la modernisation rurale et de l’industrialisation. Le mouvement de l’Agriculture contractuelle de proximité se renforce au fur et à mesure que s’accentuent les risques alimentaires et que se rallonge le trajet des produits alimentaires entre l’exploitation agricole et la table du consommateur. Il existe aujourd’hui différentes formes d’ACP à travers le monde. L’idée centrale est peut-être la même, mais l’application, le nom, la structure du réseau et le degré d’implication sont fort divers (Schlicht et al. 2014).
En Grèce, l’ACP (KOSAP – Production agricole soutenue par la communauté) fait sa toute première apparition en 2010-11 avec l’initiative bénévole des Agronautes, le premier réseau de producteurs bios du Péloponnèse et de consommateurs d’Athènes. Les premières distributions de paniers de légumes commencent en 2011-12 avec trois groupes de consommateurs à Halandri, Vrilissia et Pangkrati, et 20-30 paniers par groupe, avant de s’étendre à Agia Paraskevi, Kifisia, Thisio, Exarchia, Kypseli et ailleurs. Parmi les producteurs agronautes associés qui ont rejoint les premiers cultivateurs participatifs de Laconie, d’Arcadie et de Corinthie, figurent deux fermiers bios très dynamiques de l’Attique, qui constituent les principaux fournisseurs de légumes de la zone métropolitaine du Grand-Athènes. « Faites la connaissance des producteurs, pour savoir d’où vient ce que vous mangez. Participez à une révolution nutritionnelle !» tel est l’encouragement des Agronautes sur leur blog (http://agronaftes.blogspot.gr/).
L’un des premiers groupes d’Agronautes, et aussi l’un des plus dynamiques, est le KOSAP de Halandri, qui a commencé en mars 2012 ; il compte un nombre de participants qui varie de 15 à 25 paniers par semaine en collaboration directe avec un cultivateur bio de Kiourka, près du lac de Marathon. La veille de la livraison, les membres consommateurs du réseau confirment par courriel ou texto, la commande de leur panier aux deux coordinateurs bénévoles du ΚΟSAP ; ceux-ci « outre l’organisation des commandes et l’amélioration de la procédure, sont chargés de discuter avec les consommateurs et le producteur et de développer la collaboration. » (Thomas Anemos, Agronaute pionnier). Le panier (concrètement, un grand cabas blanc écologique que l’on rapporte vide à la livraison suivante) contient environ 10 kilos de 7 à 10 sortes de légumes de saison, qui sont cueillis le matin même de la livraison.
« Nous avons des consommateurs de toutes les couches sociales et de tous les âges… des jeunes couples, des gens avec de petits enfants, des personnes âgées, des gens à revenu moyen et des pauvres, mais pas de riches (…). Cela vaut la peine car au delà de la qualité, c’est le marché qui vient chez toi, et les produits sont relativement bon marché, plus frais et meilleur marché que les produits bios conditionnés du supermarché (…). Chaque semaine nous distribuons au moins 250 paniers à quelque 25 points de vente. » (Athanasia, coordinatrice des commandes du cultivateur bio). |
Dans cette première phase de fonctionnement du groupe de Halandri, le paiement du panier se fait à la livraison, tandis que la promotion et la diffusion du KOSAP se fait de bouche à oreille, via le blog de l’association et par l’organisation de visites et d’éco-fêtes sur le champ du producteur bio à Kiourka.
« Je consomme des légumes que je n’achetais pas auparavant, par exemple des radis… certains de ces légumes, je ne les connaissais même pas, car on ne les trouve pas sur les marchés populaires, par exemple l’ail frais… sans compter que j’évite les queues dans les supermarchés ; je trouve que c’est un système très intelligent, je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas plus d’écho auprès des gens. Pour une famille, c’est très pratique, et les enfants apprennent à manger de façon variée et saine (…). L’autre jour, nous sommes allés à la ferme : c’est une très belle expérience éducative pour les enfants, une belle relation avec le producteur, la terre, le champ, et l’on s’est bien amusé ! » (Kostas, Agronaute). |
Référence de la notice
Anthopoulou, T., Partalidou, M. (2015) « Agronautes » en ville. Paniers de légumes dans les quartiers de la ville et Agriculture contractuelle de proximité, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/agronautes-en-ville/ , DOI: 10.17902/20971.28
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Allaire G (2013) Προϊόντα του τόπου (terroir): πολιτισμικές διαστάσεις και προσδοκίες της κοινωνίας. 1η έκδ. Στο: Ανθοπούλου Θ (επιμ.), Περί εντοπιότητας και ιδιοτυπίας των τροφίμων. Μια εδαφική προσέγγιση της ανάπτυξης των αγροτικών περιοχών, Αθήνα: Εκδόσεις Παπαζήση, σσ 106–120.
- Παρταλίδου Μ και Ανθοπούλου Θ (2015) Εναλλακτικά αγροτροφικά δίκτυα και νέες αλληλέγγυες εταιρικότητες μεταξύ πόλης και υπαίθρου. Διερευνώντας την κοινοτικά υποστηριζόμενη γεωργία. Γεωγραφίες 25: 13–23.
- Cox R, Holloway L, Venn L, et al. (2008) Common ground? Motivations for participation in a community-supported agriculture scheme. Local Environment, Taylor & Francis 13(3): 203–218.
- Renting H, Schermer M and Rossi A (2012) Building Food Democracy : Exploring Civic Food Networks and Newly Emerging Forms of Food Citizenship. International Journal of Sociology of Agriculture and Food 19(3): 289–307.
- Schlicht S, Volz P, Weckenbrock P, et al. (2014) Community Supported Agriculture: An overview of characteristics, diffusion and political interaction in France, Germany, Britain and Switzerland. Acteon. Available from: http://www.agronauten.net/wp-content/uploads/2014/03/Community-Supported-Agriculture-An-overview-of-characteristics-diffusion-and-political-interaction-in-France-Germany-Belgium-and-Switzerland.pdf.
Sources en ligne:
Information sur l’agriculture communautaire et l’économie solidaire:
- AMAP- Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, France: http://www.reseau-amap.org/amap.php
- GAS- Gruppi di Acquisto Solidale, Italy: http://www.retegas.org/index.php
- GASAP- Groupes d’Achat Solidaires de l’Agriculture Paysanne, Belgium: http://www.gasap.be/
- http://www.eventhia.com/
- http://www.urgenci.net/
Sur les Agronauts: