Dangers naturels et risques liés au changement climatique à Athènes
Chalkias Christos|Delladetsimas Pavlos – Marinos|Sapountzaki Kalliopi
Aménagement, Cadre Bâti
2015 | Déc
L’exposition d’Athènes aux risques naturels
Athènes est, du point de vue historique, l’une des régions de notre pays les plus exposées aux risques naturels, notamment séismes, inondations, vagues de chaleur et incendies de forêt. L’exposition élevée de l’Attique et du bassin de la capitale en particulier est due à la forte concentration de la population, des activités, des infrastructures et des réserves de haute valeur dans une zone limitée, qui est en même temps une zone à haut risque.
L’Attique se range parmi les régions grecques ayant l’activité macrosismique la plus élevée de ces 50 dernières années (Papanastasiou et al. 2008). L’exposition de l’Attique au risque sismique a été réévaluée après le séisme du Parnès de 1999 (5,9 degrés R avec un épicentre à 18 km au NO du centre-ville) qui a causé plus de 140 morts et des dégâts se montant à 3 milliards d’euros (carte 1). Ce fut le séisme le plus meurtrier des 50 dernières années en Grèce (photo 1), qui a conduit à modifier la carte de dangerosité sismique du pays. La nouvelle carte, qui constitue la base du Règlement national de construction antisismique de 2000, a classé une part importante de l’Attique et des municipalités du nord de la capitale en Zone II (sismicité moyenne). La politique officielle de prévention du risque sismique repose presque exclusivement sur des normes de construction antisismiques. C’est pourquoi le parc immobilier de l’Attique construit sans permis reste exposé. Après le séisme de 1999, l’aide financière de l’État pour la reconstruction et la rénovation a été limitée et n’a couvert que les propriétaires de bâtiments (et non les locataires) et surtout les logements (et non les bâtiments industriels ou commerciaux). Par conséquent, la reconstruction qui a suivi le séisme n’a pas abouti à une réduction substantielle de l’exposition et de la vulnérabilité des régions touchées au risque sismique. Bien au contraire.
Carte 1 : L’épicentre du séisme du Parnès de 1999
Photographie 1 : Dégâts du séisme de 1999 dans la municipalité d’Acharnes (Attique)
Source : P. Delladetsimas, 1999
Athènes souffre souvent également d’inondations, bien que la partie orientale du pays connaisse des précipitations annuelles moyennes basses (~ 300mm). Les orages à Athènes sont presque aussi fréquents que dans le reste de la Grèce. L’exposition de l’Attique au risque d’inondation est due – hormis les facteurs climatiques et géomorphologiques – surtout à des facteurs liés aux interventions humaines (Κουτσογιάννης 2002). En raison de l’urbanisation rapide et de son développement anarchique (constructions sans permis), la ville a été peu à peu dépouillée de ses défenses anti-inondation naturelles, du fait que son réseau de cours d’eau a été couvert en grande partie (carte 2) et que les surfaces végétales se sont réduites. Par ailleurs, les incendies de forêt répétés dans les massifs montagneux du bassin athénien ont augmenté l’exposition aux inondations, notamment des municipalités périphériques. Le centre historique de la ville, grâce à son réseau d’évacuation mixte, est mieux protégé que les agglomérations qui se sont développées plus tard, notamment celles qui se trouvent le long de la côte du golfe Saronique.
Carte 2 : Réseau des cours d’eau couverts et ouverts du bassin athénien
Source : Auteur
L’Attique fait partie des régions du pays les plus frappées par les vagues de chaleur. Malgré son climat méditerranéen doux, elle connaît d’importants écarts de température saisonniers. Les températures caniculaires (380C et plus) ne sont pas rares durant les mois d’été ; la température de 490C relevée à Athènes en 1977 constitue à ce jour la maximale jamais relevée en Europe (WMO 2011). Athènes souffre en même temps des effets de ce qu’on appelle l’îlot thermique urbain, qui contribue aux températures caniculaires et les renforce. Les températures au sol les plus élevées en Attique en été sont enregistrées à Elefsina-Aspropyrgos, à Mégara, au centre-ville d’Athènes (à cause de l’îlot thermique urbain) et en Mésogée (carte 3). La gestion officielle de ces vagues de chaleur se limite à des mesures de préparation / urgence.
Carte 3 : Carte des températures au sol de l’Attique en été*
*Les numéros 1 à 4 indiquent les quatre zones connaissant les températures moyennes les plus élevées : Mégara (1), Elefsina-Aspropyrgos (2), Mésogée (3), Athènes, centre-ville (4)
Source : Keramitsoglou et al. (2011)
Sur la base du rapport surface boisée incendiée / surface boisée totale, l’Attique est la région du pays la plus dévastée par les incendies pour la période 1991-2004 (26%). Les zones exposées au premier rang des incendies de forêt sont évidemment les zones touristiques et les habitats satellites d’Athènes, ainsi que les forêts ou zones boisées visées par le développement de la construction avec ou sans permis. Toutefois, comme le montre la destruction tragique du parc national du Parnès en 2007 (par un incendie dû officiellement à un court-circuit sur un pylône électrique), les conséquences secondaires et à long terme de ces incendies touchent les habitants eux-mêmes de la capitale. La disparition de la dernière grande surface boisée à proximité d’Athènes signifie changement du microclimat, été plus chauds, vagues de chaleur plus longues, inondations en hiver. L’aspect le plus noir du problème des incendies de forêt est que l’écrasante majorité des causes (70% environ) sont classées comme inconnues (diagramme 1), ce qui limite tragiquement la possibilité d’une politique de prévention efficace.
Diagramme 1 : Causes des incendies de forêt en Attique pour la période 1991-2004
Source : Kaoukis 2009
On s’attend à ce que les formes d’exposition liées au changement climatique (vagues de chaleur, inondations, incendie de forêt) augmentent à l’avenir. Selon une étude de l’Observatoire national d’Athènes (Ακύλας et al. 2005), la Grèce des années 90 a présenté trois fois plus de vagues de chaleur que les trente années précédentes.
Vulnérabilité humaine, sociale et institutionnelle avant et après la crise
Les pertes potentielles de ceux qui sont exposés aux risques dépendent de leur vulnérabilité, autrement dit de leur prédisposition à la manifestation d’un dommage. La vulnérabilité présente plusieurs facettes : humaine, sociale, économique, institutionnelle, urbanistique, écologique… La vulnérabilité humaine et sociale dépend de facteurs comme le manque de cohésion sociale et le degré d’exclusion sociale, la pauvreté, le sexe et l’âge, la composition du ménage, le chômage, le niveau d’éducation, l’état de santé, les conditions de logement, le niveau d’accès au pouvoir politique, aux ressources et aux droits, la culture de réponse au risque, les obstacles à l’accès à l’information sur les risques.
Des analyses antérieures à la crise sur les inégalités spatio-sociales à Athènes, réalisées par des socio-géographes et des urbanistes (Maloutas 2004 et Emmanuel 2004) nous permettent de dresser la carte des inégalités de vulnérabilité spatio-sociale avant la crise. La carte 4 illustre le niveau d’avant la crise des municipalités de la capitale du point de vue de leur vulnérabilité spatio-sociale cumulée en raison de la pauvreté, de l’illettrisme, du vieillissement et de la densité de population. Bien sûr, ces quatre indicateurs ne sont pas les seuls critères décisifs, ils en déterminent toutefois beaucoup d’autres (par exemple la pauvreté implique généralement des conditions de logement problématiques). Les inégalités par rapport à cette vulnérabilité « cumulée » est révélatrice d’autres inégalités plus fortes après la crise.
Carte 4 : Niveaux de vulnérabilité composite / cumulée d’avant la crise (sur la base de la pauvreté, de l’illettrisme, du vieillissement et de la densité de population) des municipalités du complexe urbain de la capitale
Le fait est que la crise économique a aggravé presque tous les facteurs déterminants de la vulnérabilité humaine et sociale face aux risques naturels : exclusion sociale, pauvreté, chômage, pauvreté énergétique, sécurité alimentaire, accès aux services médico-sociaux. L’aspect le plus sombre de cette évolution est l’augmentation et l’extension très rapides des groupes sociaux et des zones qui ont été frappés simultanément par de multiples adversités et facteurs de vulnérabilité additionnels (par exemple personnes âgées qui simultanément tombent dans la pauvreté et perdent leur accès aux services de soins). Ces groupes et zones seront certainement les premières victimes d’une catastrophe naturelle à venir.
Les pertes dues à une catastrophe naturelle éventuelle devraient augmenter du fait de l’augmentation de la vulnérabilité institutionnelle due à la crise. De fait des organismes et institutions très importants pour la protection civile et la prévention des risques sont en déclin et souffrent de réductions de personnel et de financement, de pertes de moyens techniques et de compétences. C’est là la conséquence de fusions, de coupes budgétaires ou de suppressions d’organismes publics qui jouaient auparavant un rôle crucial pour la protection préventive, la gestion de crises, la reconstruction après les catastrophes. Par exemple, les instances compétentes pour la protection de la forêt – qui auparavant se chargeaient d’embaucher des pompiers saisonniers, de s’équiper et d’assurer la maintenance des équipements de lutte contre les incendies, de nettoyer les forêts et d’ouvrir des routes forestières – subissent des coupes budgétaires. Quoi qu’il en soit, le grand perdant de la crise économique sera la prévention des risques / catastrophes naturels, car «…les bénéfices de la prévention ne sont pas immédiatement perceptibles puisqu’il s’agit en fait de catastrophes qui n’ont jamais eu lieu…» (Annan 1999).
Référence de la notice
Chalkias, C., Delladetsimas, P. M., Sapountzaki, K. (2015) Dangers naturels et risques liés au changement climatique à Athènes, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/dangers-naturels-et-changement-climatique/ , DOI: 10.17902/20971.16
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Ακύλας Ε, Λυκούδης Σ και Λάλας Δ (2005) Κλιματική Αλλαγή στον Ελλαδικό Χώρο, Ανάλυση Παρατηρήσεων: Τάσεις των τελευταίων 100 ετών. Αθήνα.
- Κουτσογιάννης Δ (2002) Για την Κάλυψη του Κηφισού Ποταμού. Μαχητική του Μοσχάτου, Αθήνα, 8ο Ιούνιος.
- Annan K (1999) Introduction to Secretary-General’s Annual Report on the Work of the Organization of the United Nations. Document A/54/1, cited in United Nations.
- Emmanuel D (2004) Socio-economic inequalities and housing in Athens: impacts of the monetary revolution of the 1990s. The Greek Review of Social Research 113: 121–143.
- Maloutas T (2004) Segregation and residential mobility spatially entrapped social mobility and its impact on segregation in Athens. European Urban and Regional Studies, Sage Publications 11(3): 195–211.
- Papanastassiou D, Chalkias C and Karymbalis E (2008) Seismic intensity maps in Greece since 1953 using GIS techniques. In: Proceedings of the 31st General Assembly of the European Seismological Commission, Hersonissos: Institute of Geodynamics, p. 11. Available from: http://members.noa.gr/d.papan/en/publications/B44.pdf.