Evolution du quartier de Dourgouti (Neos Kosmos) de 1922 à nos jours
2016 | Nov
Le Quartier de Dourgouti
Dourgouti est un quartier de la municipalité d’Athènes, plus précisément à Neos Kosmos (J.O. 80.IV 4/2/1988). C’est à l’orée du quartier, selon les plus anciens habitants (descendants de réfugiés d’Asie mineure et de migrants internes ou réfugiés qui s’y installèrent, dans les années 1922-1974) que se trouvait le bidonville «ta Italika» (le quartier des Italiens). Le quartier a subi de très grands changements et a acquis sa forme actuelle au milieu des années 1970.
Dourgouti se trouve à un point nodal, à 2 km de la place Syntagma, le centre d’Athènes, et il est facilement accessible puisque le boulevard Syngrou desservi par de nombreux bus. Il est de plus desservi par les réseaux du Métro (station «Neos Kosmos») et du Tram (stations «Kasomouli» et «Neos Kosmos»). De plus, aux abords de Dourgouti, ou à une faible distance, se trouvent quelques sites d’importance supralocale qui interagissent avec le quartier, comme l’hôtel Intercontinental, le siège de la compagnie d’assurance Ethniki, le Foyer des Lettres et des Arts et l’université « Pantio ».
Le film «magiki polis»
C’est à Dourgouti que fut tourné en 1954 le film de Nikos Koundouros «Magiki Polis- Ville magique» (Thanos 2015). Certaines des caractéristiques du quartier, que des articles de journaux de l’époque (ill. 1 & 2) mentionnent à propos de Dourgouti, apparaissent clairement dans le film. Par exemple, les baraques construites les unes à côté des autres, faisant du quartier un véritable labyrinthe [2], la question du manque de place, la promiscuité liée au fait que l’espace public n’était pas suffisamment séparé de l’espace privé, ainsi que les relations de solidarité et d’entraide entre les habitants.
Figure 1: Article du quotidien ΤΑ ΝΕΑ, « Enquête dans les cités. Les besoins de Dourgouti » (4/11/1948, 3)
Figure 2: Article du quotidien ΤΟ VIΜΑ, « L’éternel problème sans solution du logement. Trente-cinq années dans de misérables baraques en bois » (8 /11/1952, 3)
Étymologie du nom dourgouti
Selon la version la plus répandue, le nom de Dourgouti provient de la famille athénienne Dourgoutis ou Douroutis qui possédait des terrains dans le quartier (Zacharakis 2016). Selon un habitant, le nom du quartier est peut-être dû à l’industriel Douroutis [3] qui fut le fondateur de la filature de soie dans le quartier Metaxourgeio. C’est pourquoi, conformément à l’usage ancien, quand un lieu tirait son nom du nom d’une personne, on le désignait par l’expression « stou Dourgouti » (Vers-chez Dourgoutis). Plus tard, par simplification, le quartier fut connu sous le nom de « to Dourgouti » (Dourgouti)(Θάνος, Νικολαϊδης 2013).
Les primo-arrivants et le quartier en tant que « cité » de réfugiés (1920-1949)
Dourgouti est l’un des quartiers que les réfugiés ont construits sans permis, c’est-à-dire sur un terrain ne figurant pas dans le plan d’urbanisme de la ville d’Athènes, par autoconstruction, dans les années 1920. Les versions les plus probables concernant le mode d’acquisition des terrains sont soit que les terrains sont « passés » au Trésor public par expropriation puis ont été cédés aux réfugiés, soit que leur propriétaire, une fois ses terrains bâtis, a commencé à les vendre à bas prix. Les réfugiés qui n’avaient pas la possibilité financière de se loger dans des maisons (en bois, en briques, plus tard dans des immeubles à trois étages) ou dans l’un des camps de réfugiés [4] construits et organisés par l’État et ses organismes [5], s’installèrent à Dourgouti en attendant l’intégration future du quartier dans le plan d’urbanisme [6] (Μπίρης 1999, 286, 322).
Les premiers habitants furent des réfugiés arméniens qui avaient gagné la Grèce peu avant la « Catastrophe » d’Asie mineure. Avant leur installation, la région était quasi inhabitée et occupée seulement par des champs (ill. 1). La présence arménienne fut conservée même quand beaucoup d’Arméniens quittèrent le quartier pour diverses raisons dans les années 1930 à destination de l’ex-République soviétique d’Arménie (Encyclopédie Papyros-Larousse-Britannica, 1986/1996, 299). Les principales raisons qui rattachent les Arméniens au quartier sont le fait que les premiers habitants en furent des réfugiés arméniens, ainsi que la fondation de l’Église catholique arménienne en 1925, qui contribua à maintenir les liens que les Arméniens avaient tissés avec le quartier (Antoniou 1995, 98).
En 1922 suite à la Catastrophe d’Asie mineure, Dourgouti accueillit des Grecs provenant de diverses régions de l’Asie mineure (Smyrne, Aïvali, Sylli, Trébizonde, Samsun, etc.) mais aussi de Constantinople. L’installation de ces réfugiés dans le quartier n’était pas organisée, les baraques se construisaient sans permis, sans aucun plan. Pour être plus précis, les réfugiés construisaient une baraque partout où il y avait un espace libre. Jusqu’en 1928 au moins, de nouvelles vagues de réfugiés s’y établissaient sans interruption. Cela entraîna l’extension continue des limites de Dourgouti, avec la construction de baraques et la création dans un petit laps de temps, d’un quartier entier de baraques (Παπαδοπούλου και Σαρηγιάννης 2006, 56-58, Leontidou 1989/2001, 156).
Carte 1: Zones d’installation successives des habitants
Les premières constructions organisées (« Ta Ιtalika »), PUIs les immeubles de réfugiés du ministère de la prévoyance sociale
Le camp de réfugiés «ta Italika» fut construit en 1924 avec des fonds versés par l’Italie à la Grèce au titre de réparation de guerre, ce qui lui a valu son nom [7]. Il s’agissait d’un complexe de 24 maisons à un seul niveau disposées en 6 rangées. Il accueillit environ 100 familles de réfugiés d’Asie mineure (Grecs ou Arméniens), de confession catholique (Θάνος, Νικολαϊδης 2013 & Μεγάλη Ελληνική Εγκυκλοπαίδεια, 386).
Le camp «Italika» était construit en pierres et les récits des habitants s’accordent sur le fait que les bâtiments étaient mieux construits que les baraquements ; toutefois, le profil socio-économique de ses occupants ne diffèrait pas de celui des réfugiés logés dans les baraques.
À partir du milieu des années 30, l’État intervint via le ministère de la Prévoyance sociale dans un premier effort pour éradiquer le quartier de ses baraques, en construisant huit immeubles (ill. 3-5). Ce que rapportait Vasiliou (Βασιλείου 1944, 83) est révélateur : « Dourgouti, avec ses constructions intéressantes, est le plus grand centre d’immeubles pour réfugiés » [8]. Ces immeubles sont les premiers à avoir été construits dans le quartier et constituent le complexe des premiers réfugiés de Dourgouti (carte 2). Bien qu’on ait démoli plusieurs baraquements pour les construire, on conserva un certain nombre de ces baraquements à côté des immeubles (Βασιλείου 1944, 78).
Photo 1: Les 4 premiers immeubles du quartier destinée aux réfugiés furent construits en 1935-1936 et à chacun d’eux correspondait une lettre «Α», «Β», «Γ» et «Δ» (Source : Myofa Ν. 2016)
Photo 2: L’immeuble pour réfugiés avec la lettre «ΣΤ» fut construit en 1938-1940 (Source : Myofa Ν. 2015)
Photo 3: L’immeuble pour réfugiés avec la lettre «Ζ» construit en 1938-1940 (Source : Myofa Ν. 2016)
Carte 2: Déplacements d’une famille de réfugiés d’Asie mineure entre 1922 et 1940 (1ère et 2ème générations). Installation dans le quartier, dans l’un des immeubles de réfugiés, peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale
Installation de migrants internes à dourgouti (1950-1974)
La période jusqu’au début des années 1970 est marquée par un phénomène d’urbanisation très intense. Des populations de différentes régions de Grèce quittent les campagnes pour toute sorte de raisons (guerre civile, recherche de travail, etc.) et s’installent dans les villes, en particulier à Athènes (Maloutas 2003, 98). Des natifs de Ioannina, d’Eubée, d’Ilia, de Messénie, etc., cherchent un abri dans un baraquement de Dourgouti (cartes 3, 8, 14). Ces nouvelles populations vont se loger dans les baraques abandonnées par les précédents occupants, des Arméniens pour la plupart :
Carte 3: Déplacements d’une famille de migrants internes de l’Eubée et installation dans une baraque à Dourgouti. Déménagement à Nea Smyrni en attendant l’achèvement de la construction des immeubles et retour dans le quartier (1ère et 2ème générations). Le fils de la famille a fondé un foyer indépendant. Les parents ont quitté Dourgouti et loué l’appartement dans les années 1970, pour s’installer à Porto Rafti
« Une occasion s’est présentée, une baraque, comme lui a dit l’Arménien, son parent devait partir pour l’Amérique ; c’était une occasion de l’acheter et d’être tous ensemble à proximité. Il l’a donc achetée, pour pas grand-chose. On l’avait même pas vue. On a déménagé avec l’une de ces petites camionnettes de l’époque, à trois roues, et nous sommes partis. La première chose que j’ai vue, c’est le numéro…» (Matina 10/12/2014). |
Toutefois la physionomie sociale du quartier ne change pas, car les migrants internes qui s’y installent sont tout aussi pauvres :
«Entre temps, comme il y avait partout de la pauvreté, ils arrivaient, ils entendaient dire que dans le quartier à Dourgouti « il y a des maisons où s’installer ». Et les gens arrivaient, ils « s’entassaient » dans la baraque, ils payaient pas de loyer, il y avait qu’une seule lampe ; on travaillait et on vivotait […] et quand on avait l’occasion, on s’entraidait – les uns chez les autres, et toutes les baraques furent occupées ! Il y avait encore des Arméniens, ils étaient pas tous partis encore. » (Christina 3/11/2015). |
Ce renouvellement continu d’occupation des baraquements a été la raison pour laquelle le programme de démolition des baraques et de relogement des familles qui les occupaient a mis du temps à se réaliser (Παπαϊωάννου 1975, 56-57).
Programme d’«assainissement» du campement de baraques à dourgouti : construction d’un ensemble de logements sociaux
Avec le slogan « Mort aux baraques », le premier ministre Georges Papandréou a posé en 1965 la première pierre pour la construction à Dourgouti d’un ensemble d’immeubles (video) destinés à loger des réfugiés et des migrants internes après démolition des baraques et du campement d’« Italika » (ill. 6).
Figure 3: Article du quotidien ΤΟ VIΜΑ, « Le premier ministre a posé la première pierre d’un nouveau quartier à Dourgouti » (10/6/1965, 1)
L’application du programme définitif par le ministère de la Prévoyance sociale dans le quartier a débuté en 1967 et a été achevée en 1971, sous la dictature. Comme le mentionnent des habitants du quartier, on avait au préalable recensé les habitations du campement. La distribution des 865 appartements aux ayants-droit s’est faite par tirage au sort, en tenant compte du nombre des membres de chaque famille (Παπαϊωάννου 1975, 59, 83). Il faut souligner que la construction de l’immeuble de 12 étages (ill. 7) a revêtu une signification symbolique puisque «cela clôt la question du logement des réfugiés »
Photo 4: L’immeuble de 12 étages sur la rue Sfiggos 8 est le dernier du quartier des logements sociaux construits par l’État dans le but de loger tous ceux qui vivaient dans des baraques (Source : Myofa Ν. 2015)
Ce déménagement des baraquements aux immeubles, même s’il signifiait de meilleures conditions de logement pour les habitants, a changé profondément d’autres traits caractéristiques du quartier, comme la cohésion sociale et le sentiment de solidarité entre les habitants. Un habitant décrit les changements survenus dans le quartier :
« Ça a changé. Depuis qu’on a démoli toutes les baraques pour construire les immeubles, il y a des gens qui sont venus de Tavros, de Kountouriotis – à Ampelokipi derrière le stade de Panathinaïkos. Et […] de Drapetsona […] Comme vous pouvez le comprendre, ils n’avaient pas la même mentalité. Après le quartier a changé !» (Vlasis 22/11/2014). |
En ce qui concerne les réfugiés arméniens, ils ne faisaient pas partie de ceux qui avaient droit à un appartement dans le programme gouvernemental en question. Tous ceux qui n’avaient pas été relogés dans l’immeuble à 4 étages de la rue René Puaux 2 (ill. 8) – construit avec la participation de l’Église arménienne catholique en 1958 – ont déménagé dans d’autres quartiers de réfugiés, à Karea, Nea Smyrni et ailleurs dans toute la région d’Athènes (Αντωνίου 1995, 107).
Photo 5: L’immeuble de la rue René Puaux 2 a été construit pour loger les réfugiés arméniens qui vivaient dans des baraques. Aujourd’hui, hormis quelques anciens habitants, on y trouve des Arméniens qui se sont installés dans le quartier au cours des décennies suivantes (Source : Myofa Ν. 2016)
Dourgouti aujourd’hui
À partir du début des années 1980, on observe de nouveaux flux d’habitants à Dourgouti, toutefois moins intenses que par le passé. Ces habitants – Arméniens de Syrie, d’Iran, du Liban et migrants internes de différentes régions du pays – s’installent dans des appartements qu’ils achètent ou louent à des propriétaires qui faisaient partie des ayants-droit du ministère de la Prévoyance. La nouvelle vague de migrants Arméniens (cartes 4 & 5) de cette période s’installent à Dourgouti en raison des liens forts établis précédemment avec le quartier.
Carte 4: Déplacement d’une famille d’Arméniens depuis l’Iran
Carte 5: Déplacements d’un Arménien depuis la Syrie à Omonia puis à Dourgouti. Fondation d’une famille et installation à Voula
À partir du milieu des années 1990, l’afflux dans le quartier de migrants étrangers – provenant de Syrie, d’Albanie, du Bengladesh – augmente. Ces nouveaux habitants sont appelés par les anciens habitants « nouveaux migrants », dénomination qui dénote l’intensité et la continuité des flots migratoires reçus par le quartier. Ils choisissent Dourgouti comme lieu d’habitation, en particulier des appartements dans les vieux immeubles de réfugiés, en raison des loyers peu élevés. Ils s’installent aussi souvent à Dourgouti parce que quelqu’un de leur famille ou un ami, une connaissance habite déjà dans le quartier. C’est notamment le cas avec les migrants Syriens et les Albanais, qui semble-t-il, ont développé des réseaux importants dans le quartier et s’installent ordinairement directement à Dourgouti dès leur arrivée en Grèce (cartes 6 & 7). Toutefois leur installation peut y être de courte durée ou à plus long terme. Un habitant du quartier décrit la situation comme suit :
Carte 6: Déplacement d’une famille de migrants depuis l’Albanie à Dourgouti dans les années 90
Carte 7: Installation d’un migrant originaire de Syrie directement à Dourgouti en 2005
« Il y a des gens, une ou deux personnes en fait qui sont propriétaires ou locataires de la maison, et il y en a une dizaine qui s’y entassent au cours de l’année, parce que ce sont des amis, des connaissances, des parents qui viennent ici, pour « stationner » deux jours en Grèce, avant de repartir. » (Manolis 3/6/2015). |
Aujourd’hui se trouve à Dourgouti un parc immobilier (immeubles de réfugiés et logements sociaux) qui en raison de la vétusté des logements et des loyers faibles tend à attirer des réfugiés économiques, c’est-à-dire des migrants qui viennent en Grèce exclusivement pour y trouver du travail. Sans que cela constitue toutefois la règle, puisqu’il y a aussi beaucoup de descendants de réfugiés d’Asie mineure et de migrants internes des 2ème, 3ème et 4ème générations qui habitent dans le quartier (cartes 8, 9, 10).
Carte 8 : Déplacement d’une famille de migrants internes originaire de Ioannina à Dourgouti en 1948 (1ère et 2ème générations). La personne interrogée a fondé son propre foyer et s’est installée dans un autre quartier
Carte 9: Déplacements de la personne interrogée depuis le moment où elle a fondé sa propre famille et retour à Dourgouti à la fin des années 1980
Carte 10: Déplacements de réfugiés arméniens (familles du père et de la mère de la personne interrogée) depuis le début des années 20 jusque dans les années 40. Les parents de la personne interrogée ont créé leur propre foyer et se sont installés à Dourgouti en 1948 (1ème et 2ème générations)
Pour la plupart, ces habitants sont propriétaires de l’appartement qu’ils occupent et qu’ils ont acquis par héritage. Les raisons pour lesquelles ils ont choisi de continuer à habiter le quartier sont purement pratiques (il s’agit déjà de leur lieu de résidence), mais elles peuvent aussi être sentimentales, en relation avec les liens qu’ils ont tissés dans le quartier et avec les autres habitants. Il y a également le cas de ceux qui ont un appartement dans le quartier sans y habiter, et qui soit le laissent inoccupé (cartes 11, 12, 13), soit le louent ou le mettent à la disposition de parents (carte 14).
Carte 11: Déplacements de la personne interrogée avec ses parents dans les années 50 de Dourgouti dans d’autres régions et retour dans le quartier (2ème et 3ème générations)
Carte 12: Déplacements de la personne interrogée entre 1970 et 2007 (3ème génération)
Carte 13: Déplacements d’une famille de réfugiés d’Asie mineure et installation dans le quartier (1ère génération). Les deux enfants de la famille ont fondé leurs propres foyers et se sont installés dans d’autres régions
Carte 14: Déplacements d’une famille de migrants internes dans les années 1946-1968 de Pyrgos (Ilia) à Dourgouti puis à Neapoli. La personne interrogée n’est pas aujourd’hui propriétaire d’un appartement dans le quartier
La coexistence des habitants natifs du quartier avec les migrants des dernières décennies est relativement bonne. Cela est peut-être dû au fait que Dourgouti était un quartier qui a toujours conservé une très forte présence des flux de réfugiés et de migrants :
« Bien sûr, toutes les familles albanaises qui se sont installées ici et qui y habitaient étaient parfaitement bien acceptées, je crois […]. Dans le fond ils n’ont pas été assimilés par nous […] nous avons appris à vivre les uns avec les autres et à trouver, tu sais, une solution, pour pouvoir nous entendre. » (Evaggelia 5/5/2015). |
« C’est là-bas qu’avaient habité un certain temps des Syriens, il y a trois ou quatre ans. Évidemment nous les regardions tous avec un brin de méfiance, mais ces pauvres diables ont retapé la maison, ils ont repeint la façade […]. En été ils sortaient eux aussi devant la maison, ils dressaient de petites tables, apportaient leur narghilé et restaient assis là […]. C’était très pittoresque ! Je me disais : « Comme c’est beau, comme dans le temps quand on écoutait des histoires tous assis sur les terrasses, quand on dormait sur les terrasses et qu’on ne fermait pas l’œil jusqu’au matin. » (Aggeliki 5/5/2015). |
En conclusion, Dourgouti est un quartier avec une forte présence de migrants et aujourd’hui encore il continue de recevoir de nouvelles vagues de migrants et de réfugiés. Dans les immeubles construits par l’État pour tous ceux – réfugiés et migrants internes – qui n’avaient pas la possibilité de trouver un logement par leurs propres moyens, habitent aujourd’hui de nouveaux migrants, ainsi que des descendants (enfants et petits-enfants) des anciens habitants du quartier, qui prolongent l’histoire de Dourgouti.
Cartographie historique et sensorielle du quartier
On a entrepris de visualiser une partie de l’histoire du quartier au moyen d’une application Internet interactive, utilisant la technologie Internet qui pénètre de plus en plus la vie quotidienne des citoyens. Ce projet comprend entre autres une illustration de la transformation de la morphologie urbaine (images de la situation en 1929, 1940, 1959 et 2014), une compilation des témoignages oraux sur des événements survenus sous l’occupation allemande, sur l’utilisation de bâtiments qui ont fonctionné dans la région dont témoignent les habitants, ainsi que des illustrations du quartier, photographies ou films, où l’on peut reconnaître les endroits où les vues ont été prises.
URL ( http://dourgoutihistory.comuf.com/ )
Dans le but de créer un récit complet, mais aussi de mettre en valeur autant que possible le capital culturel qui a été produit à Dourgouti, en plus de la cartographie de l’histoire, on a entrepris une cartographie originale, dans le but d’étudier le présent, non pas toutefois au travers du regard de l’observateur-chercheur, mais de la juxtaposition de points de vue et de commentaires qu’ont exprimés de nombreuses personnes très différentes, habitants ou non, qui ont évalué l’endroit en partant des stimuli que celui-ci a provoqués sur leurs sens.
Plus précisément, on a rassemblé les impressions que provoquent le relief urbain et les caractéristiques de la région sur les cinq sens de celui qui visite le quartier et se promène librement dans l’espace. On a tenté de mesurer l’importance et la localisation et où l’espace influe sur les sensations des visiteurs. On a également tenté de découvrir différents récits que provoque éventuellement le paysage urbain sur différentes personnes, ainsi que de chercher la différence et les oppositions qu’inspirent les espaces du quartier.
La recherche consistait à dresser des cartes et à répondre à des questionnaires grâce à la participation de 206 personnes de tous âges et niveaux de formation, aussi bien habitants du quartier et des zones proches que du reste de l’Attique, mais aussi étrangers. L’idée de cette recherche de cartographie sensorielle, ou autrement dit, de recherche sur le quartier sur la base des sensations, comme on l’a appelée, revient au groupe des arts du spectacle όχι παίζουμε dirigé par Giorgos Sachinis [9].
Les données collectées ainsi que les résultats de la recherche sont présentés dans l’application à laquelle on peut se connecter via le lien :
URL ( https://veegee.shinyapps.io/sensor/ )
[1] Ce texte s’appuie sur une démarche de recherche qualitative, par le biais d’entretiens avec des habitants du quartier, réalisés par Nikolina Myofa entre novembre 2014 et février 2015 dans le cadre de la thèse de doctorat qu’elle conduit à l’université Harokopio d’Athènes, intitulée « Logement social à Athènes. Étude des quartiers de réfugiés de Dourgouti et de Tavros de 1922 à aujourd’hui », ainsi que sur le travail du mémoire d intitulé « Cartographie historique et sensorielle du quartier de Dourgouti à Neos Kosmos » d’Évangélos Papadias.
Les auteurs remercient toutes les personnes qui ont contribué à la production de ce texte. Tout d’abord les habitants de Dourgouti qui leur ont accordé des entretiens; Mme Tasoula Vervenioti, responsable scientifique du Groupe d’histoire orale de Dourgouti (OPIDOU) ainsi que les membres de ce groupe pour les discussions constructives menées avec eux; M. Giorgos Sachinis, instigateur de l’action Dourgouti Island Hotel Project, qui au travers de diverses actions réalisées dans le quartier, a contribué de façon décisive à créer un climat de dialogue et de confiance avec les habitants et a donc considérablement facilité la réussite de la recherche. Nous remercions également les membres du Groupe de cartographie historique, sous la coordination de Giorgos Thanos, pour la recherche dans les archives et les sources bibliographiques qui ont permis de mettre en valeur l’histoire riche du quartier. Nous tenons enfin à remercier Giorgos Kandylis, chercheur au Centre national de Recherches sociales (ΕΚΚΕ), qui a relu le texte anglais.
[2] D’anciennes cartes d’Athènes représentent Dourgouti comme « le dédale du quartier arménien » (Αντωνίου 1995, 104).
[3] Pour plus d’informations sur la famille Douroutis, Μπίρης 1999, 241.
[4] Vyronas, Kaisariani, Nikaia, Tavros, etc.
[5] Caisse de Secours pour les Réfugiés (TPP), Commission pour le Relogement des Réfugiés (EAP) et Service technique du ministère de la Prévoyance sociale.
[6] Dans le recensement de 1940, Dourgouti est intégré dans le plan d’urbanisme de la ville et ne constitue plus un quartier d’habitat autonome (ministère de l’Économie nationale -Service général de la Statistique de Grèce 1950, 62).
[7] C’est l’ordre monastique catholique « St-Jean de Jérusalem » qui s’est chargé de construire les logements en question.
[8] Sur les immeubles pour les réfugiés, v. Βλάχου κ.α., 1978: 122
[9] La réalisation du projet a été possible grâce à la collaboration du groupe “ohi pezoume” et du Département de Géographie de l’université Harokopio d’Athènes dans le cadre du projet Dourgouti Island Hotel. La recherche a commencé en septembre 2014 et s’est terminée en décembre de la même année.
Référence de la notice
Myofa, N., Papadias, E. (2016) Evolution du quartier de Dourgouti (Neos Kosmos) de 1922 à nos jours, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/dourgouti/ , DOI: 10.17902/20971.64
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
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- Μπίρης Κ (1966) Aι Αθήναι από του 19ου εις τον 20ον αιώνα. Αθήνα: Έκδοσις του Καθιδρύματος Πολεοδομίας και Ιστορίας των Αθηνών.
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