Immeubles de logements sociaux à Athènes
Myofa Nikolina
Aménagement, Cadre Bâti, Histoire, Logement, Politique, Quartiers
2021 | Déc
La forme la plus courante de création de logement social en Grèce était la construction de grands ensembles de logements sociaux, comme dans les autres pays d’Europe. Ces immeubles ont été construits au cours de la période d’après-guerre, et jusqu’en 2004 par différents acteurs ainsi que par l’État (ministère des Affaires Sociales) afin de loger les réfugiés, les migrants de l’intérieur, les employés du secteur privé et les habitants des anciens immeubles de logements collectifs créés par le ministère des Affaires Sociales.
Dans ce texte, nous mettrons en avant le cadre dans lequel le logement social s’est développé à Athènes, son évolution et nous analyserons les raisons ayant conduit à son déclin. À travers l’étude du cas athénien, l’enjeu principal portera sur les défis auxquels l’État doit faire face concernant le logement social [1].
La politique de logement social à Athènes
Il n’y a pas de définition officielle du logement social en Grèce (Dimitrakopoulos 2003). Ce concept s’est forgé historiquement en fonction des besoins et des objectifs qu’il venait remplir, ainsi que des groupes auxquels il était sensé bénéficier. Il est ainsi question de logements de réfugiés, populaires ou ouvriers. Dans cet article, nous utiliserons le terme plus générique de « logement social » qui inclut toutes les catégories citées plus haut.
Le modèle de logement social en Grèce a toujours été résiduel. Il s’adressait à des groupes sociaux précis, comme les réfugiés, les migrants de l’intérieur, les salariés et habitants des vieux immeubles du ministère des Affaires Sociales. Une partie de ces programmes était directement liée à des programmes de démolition des bidonvilles et de construction d’immeubles de logements sociaux. En outre, dans certains cas, les immeubles ont été construits sur des terrains acquis par l’État suite à des expropriations. Les appartements, dans ces immeubles, étaient directement attribués à leurs bénéficiaires pour qu’ils les habitent, et non pas pour mise en location (Kandylis et. al. 2018). La Grèce est le seul pays d’Europe dans lequel le secteur de la location sociale est totalement absente (Pittini and Laino 2011).
L’aperçu historique qui suit porte sur les périodes 1922-1939, 1950-1974 et 1975-2012. Ces périodes sont étroitement liées à de grands événements historiques, comme les échanges de population des années 1920, les guerres de la décennie 1940, les flux migratoires intérieurs et extérieurs de l’après-guerre et à partir des années 1990, qui ont modifié la composition sociale et démographique d’Athènes et ont rendu plus sensible le besoin en logement social.
Période de l’entre-deux guerre (1922–1939)
Le secteur du logement social s’est développé pour la première fois suite à la catastrophe d’Asie Mineure et aux besoins en logement d’un grand nombre de réfugiés d’Asie Mineure, de Thrace orientale, et de la mer Noire qui sont entrés dans le pays suite à la défaite des Grecs au cours de la campagne d’Asie Mineure de 1922, puis de la signature en juillet 1923 du Traité de Lausanne (Loizos, 1984). Il était difficile de régler la question de leur hébergement pour un État qui n’avait aucune expérience de ce problème, ne disposait d’aucun programme réellement développé en matière d’offre publique de logement, et dont les ressources économiques étaient limitées par la défaite de la campagne d’Asie Mineure ainsi que par les conflits armés précédents (Γκιζελή, 1984).
Au cours des années 1920, le Fonds d’Assistance des Réfugiés (en grec, TPP) et du Comité pour la Réinstallation des Réfugiés (en grec, EAP), furent les deux structures actives dans le domaine du logement à travers la construction de logements et le développement de nouveaux quartiers. Le TPP a commencé à construire de nouveaux quartiers en périphérie d’Athènes et du Pirée, et fut la structure qui a posé les fondements permettant la création du secteur du logement social, en logeant des milliers de réfugiés (Γκιζελή, 1984). L’EAP a poursuivi l’œuvre de réinstallation des réfugiés jusqu’en 1930 (Λεοντίδου, 2001). Le Fonds a par exemple engagé la construction des districts de Vyronas, Nea Ionia, Kaisarianni et Nea Kokkinia (Nikaia), qui ont été achevés par l’EAP (Βασιλείου, 1944). De plus, le Comité a construit des habitations pour les réfugiés dans les districts de Nea Philadelphia, Kallithea, Renti, Kokkinia, etc (Παπαϊωάννου, 1975).
Indépendamment de l’action des acteurs publics, tous ceux qui sont demeurés sans-abris se sont installés dans des zones inhabitées et ont improvisé des zones d’habitation faites de baraquements (Leontidou, 1990). Plus particulièrement à Athènes, les réfugiés ont trouvé eux-mêmes à se loger, soit à courte distance des cités pour réfugiés déjà existantes construites par l’État, soit en n’importe quel endroit où ils pouvaient trouver un espace libre leur permettant de créer de nouvelles zones d’habitation (Παπαϊωάννου, 1975).
Globalement, pour la politique de réinstallation des réfugiés à Athènes et au Pirée dans l’entre-deux guerres, 12 quartiers résidentiels importants ont été créés, ainsi que 34 plus modestes, hors des limites du tissu urbain existant. Ces quartiers ont été créés dans les banlieues des deux villes, dans des zones inhabitées avant 1922 (carte 1) (Παπαϊωάννου, 1975).
Carte 1 : les zones résidentielles créées entre 1922 et la fin de la décennie 1930, hors des limites d’Athènes et du Pirée
Source: Παπαϊωάννου 1975:15
L’attribution des appartements aux bénéficiaires se faisait par tirage au sort. Ces appartements n’étaient finalement pas donnés gratuitement aux bénéficiaires, comme les réfugiés l’espéraient, et ces derniers durent reverser le prix correspondant au ministère des Affaires Sociales (Σταυρίδης κ.ά., 2009). Le ministère des Affaires Sociales les attribuait avec des facilités, telles que la possibilité de rembourser en 15 ans 70% du prix dépensé pour l’achat du terrain et la construction du logement (Βασιλείου, 1944).
L’impact de l’action de l’État pour le relogement des réfugiés, en ce qui concerne plus généralement la question du logement social, est indiscutable. La question du relogement des réfugiés a fourni une première occasion pour développer le logement social en Grèce, et de poser les fondations d’une politique sociale plus large en matière de logement. Cependant, alors que cette politique d’une ampleur gigantesque avançait, et que des milliers de réfugiés trouvaient à se loger, il n’en allait pas de même pour les catégories pauvres et autochtones de la population (Λυγίζος, 1974). La vocation de la politique de logement, strictement liée à la crise des réfugiés, demeurait (Γκιζελή, 1984).
En définitive, cependant, cette politique de logement tournée vers les réfugiés finit elle-même par perdre son caractère social. L’EAP, autant que le ministère des Affaires Sociales, encourageaient l’accession à la propriété après avoir vendu les logements aux réfugiés, mettant ainsi un terme à toute politique d’assistance envers eux (Γκιζελή, 1984).
La période d’après-guerre (1950–1974)
À la fin de la seconde guerre mondiale, les besoins en logement étaient de nouveau pressants. Dans les années 1950, la question du logement demeurait irrésolue pour de nombreux réfugiés. La réduction du parc de logements du fait des dommages de guerre, ainsi que l’arrivée massive de migrants de l’intérieur dans les villes depuis les zones rurales aggravaient le phénomène de la pénurie de logement. Au cours de la période d’après-guerre, la plupart des opérations de logement social furent prises en charge par le ministère des Affaires Sociales. Ces immeubles de logements collectifs ont été bâties afin de reloger les réfugiés d’Asie Mineure mais aussi les autochtones vivant dans des baraquements (Βασιλικιώτη, 1975α).
Les bénéficiaires d’appartements dans les immeubles étaient des familles à bas revenus qui vivaient dans des logements inadaptés et n’étaient pas propriétaires de logements ou de terrains dans une autre région. L’attribution des appartements aux bénéficiaires se faisait par tirage au sort, comme dans la période précédente, mais sur la base du nombre de membres de chaque famille. Les bénéficiaires n’avaient pas la possibilité de choisir leurs appartements, comme dans la période de l’entre-deux guerres, par conséquent les appartements qui leurs étaient finalement attribués ne correspondaient pas toujours à leurs besoins (Βασιλικιώτη, 1975α).
De plus, les bénéficiaires devaient rembourser une petite somme, avec quelques facilités, pour que l’acte de cession définitif leur soit donné et qu’ils obtiennent le droit de déménager ou de vendre leur logement. Mais la majorité des réfugiés d’Asie Mineure et de leurs descendants considéraient que dans leur cas, la question du remboursement des appartements ne devait pas se poser, leur argument étant que l’État grec s’était déjà payé sur les biens saisis lors de l’échange des propriétés (Σταυρίδης κ.ά., 2009). Au contraire, les migrants de l’intérieur ont payé leurs logements au prix correspondant.
Au cours de la phase de démolition des baraquements et de la construction de nouveaux immeubles de logements collectifs, les bénéficiaires percevaient une subvention pour leur loyer. Dans de nombreux cas, les ménages vivant dans un même ensemble étaient réinstallés dans des quartiers différents (Βασιλικιώτη 1975α). Ces réinstallations, bien qu’elles aient créé de meilleures conditions de logement, ont mené à des changements importants dans la cohésion sociale des quartiers et quant aux relations entre habitants.
En-dehors du ministère des Affaires sociales, la période d’après-guerre a vu les débuts de l’action de l’Organisme pour le Logement Ouvrier (en grec, OEK). L’OEK a été fondé en 1954 et relevait du ministère de l’Emploi et des Assurances Sociales. Jusqu’en 1975, les revenus de cet organisme provenaient principalement des cotisations des salariés (Κοτζαμάνης και Μαλούτας, 1985). Cet organisme mettait des logements à disposition des employés du secteur privé, qui n’étaient pas propriétaires de logements et n’étaient économiquement pas en mesure d’en acquérir. L’OEK était le premier organisme mettant en œuvre une politique de logement vraiment aboutie, à l’inverse de la politique jusqu’alors mise en œuvre par l’État, et qui avait pour priorité le logement des réfugiés, de ceux qui habitaient dans des baraquements, et des victimes de sinistres. Pour autant, les catégories sociales les plus vulnérables – comme les chômeurs et les sans-abris – étaient exclus de la politique de logement de l’OEK (Σαπουνάκης, 2013).
Les bénéficiaires recevaient soit un prêt à la propriété, soit une subvention de leur loyer, ou encore un logement neuf dans les résidences en cours de construction. L’OEK vendait principalement ses logements aux bénéficiaires, à l’instar des autres structures étatiques proposant du logement social depuis 1922. Les bénéficiaires devaient payer une somme modeste afin de devenir propriétaires de leur appartement. Les logements étaient attribués aux bénéficiaires par tirage au sort. Contrairement à la procédure du ministère des Affaires Sociales, dans le cas de l’OEK, le tirage au sort se faisait sur la base d’un certain nombre de critères, sociaux et géographiques (Σταυρίδης κ.ά., 2009). Par exemple, pour ce qui est du critère géographique, les habitants du département de l’Attique se voyaient attribuer des appartements dans les zones où ils habitaient déjà, de sorte que les bénéficiaires de l’organisme ne s’éloignaient pas du lieu où ils vivaient jusqu’alors (Σταυρίδης κ.ά., 2009).
Les types de bâtiments qui avaient été construits étaient des maisons individuelles à deux étages et des immeubles à trois, quatre, huit ou douze étages. Pour ce qui est de la conception des ensembles émanant de l’OEK, des espaces verts et de loisir avaient été prévus. Les immeubles étaient alignés en rangées, et la distance entre les bâtiments avait été calculée de manière à obtenir un bon éclairage et une bonne aération des appartements (Σταυρίδης κ.ά., 2009).
En conclusion, le ministère des Affaires Sociales a surtout eu à traiter des situations d’urgence nécessitant d’assurer un logement à des catégories sociales vulnérables, tandis que les programmes de l’OEK s’adressaient à des groupes sociaux particuliers disposant d’une emploi stable, sans que ne soient pris en compte les sans-abris, les mal-logés, ou les chômeurs (Leontidou,1990). En comparaison avec les autres pays européens, le nombre des logements construit par ces deux acteurs fut limité. Plus précisément, le ministère des Affaires Sociales et l’OEK ont construit 31 ensembles au cours de la période d’après-guerre, comportant 11,930 logements, tandis qu’à Stockholm, à titre d’exemple, 34 ensembles de 83,796 logements étaient construits entre 1951 et 1970 (Andersson and Brama, 2018: 368).
De 1975 à 2012
Après 1975, la tendance mondiale en matière de politique de logement social, consistait à remplacer la construction de immeubles de logements collectifs par un nouveau modèle. Le nouveau modèle accordait une aide financière à la construction ou l’achat de logement relevant du marché privé (Bourne, 1998). Ce changement, ainsi que la diminution des programmes du ministère des Affaires Sociales, ont influencé la manière par laquelle la politique de logement social a été mise en œuvre en Grèce (Βασιλικιώτη, 1975α).
L’OEK était le principal acteur du logement social entre 1975 et 2011. En-dehors de la construction de logement, l’OEK accordait des prêts aux particuliers pour l’achat d’un logement et subventionnait le loyer des bénéficiaires qui remplissaient certains critères (Βαταβάλη και Σιατίτσα 2011). L’action de cet organisme à Athènes, s’agissant de la construction de nouveaux ensembles, contrairement aux villes grecques moyennes, était limitée. Ainsi, sur la totalité des ensembles créés par l’OEK dans la période comprise entre 1955 et 2012, seul 10% correspond à la métropole athénienne (Kandylis et al. 2018). L’OEK construisait ces ensembles dans la partie nord-ouest de la métropole athénienne, qui constitue le lieu de résidence des catégories ouvrières (par exemple, dans les municipalités d’Acharnes, Nea Liosia et Ilion), dans les banlieues nord (municipalités d’Amarousion et Pefki – Iliako Chorio), ainsi que dans l’Est de l’Attique et dans la municipalité de Pallini (Kandylis et al. 2018).
Le village olympique est le dernier grand ensemble construit par l’OEK à Athènes. Cet ensemble a été construit dans le but de répondre dans un premier temps à la nécessité de loger provisoirement les athlètes pour les Jeux olympiques et paralympiques organisés à Athènes en 2004, et dans un deuxième temps de répondre aux besoins directs et immédiats des bénéficiaires de l’OEK (Αραβαντινός, 2007).
En 1976, une nouvelle structure fut instituée, le DEPOS (Entreprise publique d’urbanisme et de logement) qui dépendait du ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et des Travaux Publics (Kandylis et al. 2018). L’objectif était de fournir des logements abordables aux catégories ayant des revenus faibles ou moyens. La principale activité du DEPOS résidait dans les rénovations d’échelle modeste dans des zones présentant un parc de logements ancien. Ces travaux portaient sur la rénovation des vieux ensembles construits par le ministère des Affaires Sociales dans l’entre-deux guerres à Nea Philadelphia, Kaisarianni et Tavros (Νικολαϊδου, 1991).
Les programmes de rénovation ont été mis en œuvre dans des zones présentant d’importants problèmes de dégradation du parc de logement – pour cause de vétusté et d’abandon – et d’impossibilité pour les habitants de faire face économiquement aux travaux nécessaires à l’entretien de leurs logements et des espaces communs. Par conséquent, l’intervention de l’État s’imposait.
Contrairement aux autres structures, l’action du DEPOS n’était pas engagée si les habitants eux-mêmes ne faisaient pas appel à sa contribution. C’est à l’initiative des habitants que les travaux de rénovation étaient initiés, et ces travaux étaient mis en œuvre en collaboration avec les municipalités concernées, avec une totale concertation dans la planification et des procédures démocratiques. De plus, dans la période précédant la réalisation des travaux et la livraison des logements aux bénéficiaires, les habitants avaient la possibilité de louer des logements de manière subventionnée (Στεφάνου κ.ά. 1995). L’action du DEPOS constituait une exception dans la politique sociale suivie en matière de logement à partir de la fin des années 1970, où l’objectif n’est désormais plus de créer de grands ensembles de logements ou d’attribuer des appartements aux bénéficiaires. Pour cette raison « elle s’est trouvée confrontée à de nombreuses réactions de la part des grands intérêts privés et corporatistes, pour finalement se trouver limitée à une activité négligeable » (Εμμανουήλ, 2006: 12) jusqu’à ce qu’en 2010 il cesse ses activités par suite des décisions du gouvernement grec dans le cadre des exigences des mémorandums. Pourtant, comme cela transparaît dans la manière dont son action s’est développée, il avait déjà cessé de proposer de logements sociaux dès la fin de la rénovation des anciens immeubles de réfugiés de Tavros.
A partir de 2012, l’OEK a mis fin à ses activités – là aussi dans le cadre des politiques d’austérité mises en place à cause de la crise de la dette –, alors qu’il était la seule structure de logement social qui existait jusqu’alors (Ζαμάνη και Γρηγοριάδης, 2013). Ainsi, aujourd’hui encore, il n’existe aucune structure qui mette en œuvre une politique de logement social, alors que les besoins qui se manifestent sont résolus par des mesures d’urgence et pas dans le cadre d’une politique de logement structurée.
Conclusions générales
Globalement, les trois acteurs – ministère des Affaires Sociales, OEK et DEPOS –, de l’entre-deux guerres à 2004, ont construit 19299 logements dans la métropole athénienne pour assurer le relogement des trois catégories suivantes : 1) habitants de baraquements (réfugiés et migrants de l’intérieur), 2) employés du secteur privé et 3) habitants des vieux logements sociaux. Aujourd’hui, le total démographique représenté par les logements sociaux est très faible. Sur la base du recensement de 2011, environ 1,6% de la population vit dans des ensembles de logements sociaux de la métropole athénienne (Kandylis et. al. 2018). Ce pourcentage est extrêmement faible en comparaison des 7,4% de l’ensemble de la population de la ville de Bruxelles, qui sur la base du recensement de 2011 habite des grands ensembles construits dans la période 1946-1990, des 15,2% de la population de Stockholm qui habite les 49 grands ensembles de logements sociaux de la ville (données 2014), et des 19% de l’ensemble de la population d’Helsinki qui habite les 48 grands ensembles de l’agglomération (données 2014) (Hess et. al., 2018).
Carte 2 : Localisation des grands ensembles de logements sociaux créés à Athènes au cours de la période 1930-2004
Source: Βασιλικιώτη 1975β; Παπαδοπούλου και Σαρηγιάννης, 2006; Σταυρίδης κ.ά., 2009; Google Earth et visites de terrain.
Ces grands ensembles occupent une surface très réduite comme le montre la carte 2, et de surcroît leur population diminue. En majorité, ces zones sont peu peuplées (sur la carte 3, des symboles proportionnels représentent le nombre d’habitants par ensemble issu du ministère des Affaires Sociales ou de l’EAP en jaune, et en rouge ceux issus de l’OEK ou du DEPOS). Seuls quatre de ces ensembles ont une population supérieure à 3000 habitants (village olympique et Acharnes, qui ont été construits récemment, ainsi que Nea Philadelphia et Tavros qui comportent de plus vieux ensembles dans la banlieue ouest, à la population plus ouvrière) (Kandylis et. al., 2018).
Carte 3 : localisation des grands ensembles de logements sociaux créés par l’OEK et le DEPOS dans la métropole athénienne, au cours de la période 1930-2004
Source: Βασιλικιώτη 1975β; Παπαδοπούλου και Σαρηγιάννης, 2006; Σταυρίδης κ.ά., 2009; Google Earth et visites de terrain.
Le fait qu’en Grèce les grands ensembles de logement social ont été directement attribués pour l’accession à la propriété a eu pour effet de ralentir et de rendre moins forts les changements dans la composition sociale des quartiers en question dans les années qui ont suivi (à partir du moment où les appartements ont été livrés à leurs bénéficiaires au début des années 1990). Cette homogénéité a connu quelques perturbations à partir du début des années 1990 avec l’arrivée des ménages à faible revenu en provenance de pays tiers, qui furent poussés à s’installer dans ces grands ensembles (datant surtout des années 1930 et qui étaient les plus sujets à la vétusté) grâce à leurs faibles loyers (Kandylis et. al., 2018).
De plus, la vente des appartements aux bénéficiaires avait pour corollaire une perte progressive de leur statut de logement social. Les zones auxquelles les grands ensembles appartenaient cesseraient de différer de leur environnement immédiat (différent tant d’un point de vue social que du point de vue du marché immobilier), dès l’instant qu’elles se conformeraient au modèle dominant en matière de logement, c’est-à-dire la propriété de la résidence principale (Kandylis et. al., 2018). De plus, l’État et les différents acteurs ayant bâti ces grands ensembles, à partir du moment de la vente des logements aux bénéficiaires, ont totalement cessé de les gérer, cette responsabilité incombant aux propriétaires. Cependant, certains de ces bénéficiaires n’avaient économiquement pas les moyens de procéder aux travaux nécessaires à l’entretien des habitations et des espaces communs, ce qui a eu pour conséquence une dégradation progressive des grands ensembles de logements sociaux. L’abandon des appartements (particulièrement dans les vieux ensembles du ministère des Affaires Sociales) dès le milieu des années 1990 a aggravé cette situation de dégradation des logements.
Ce rappel historique concernant la politique de logement social à Athènes révèle donc que la politique constante de vente des appartements aux bénéficiaires a abouti à un modèle de logement social incomplet. Et ce car, bien que l’État ait construit des logements sociaux pour répondre aux besoins de catégories sociales spécifiques ne pouvant pas acquérir un logement par leurs propres moyens, l’attribution de ces appartements aux bénéficiaires a privé celui-ci des moyens de toute intervention. Ceci tenait au fait que les nécessaires travaux de rénovation, et plus généralement les frais de gestion et d’entretien de ces grands ensembles relevaient désormais de la responsabilité des propriétaires et que leur mise en œuvre dépendait directement de leur situation financière.
Les défis que l’État doit affronter aujourd’hui portent sur la réhabilitation du parc de logements dans ces grands ensembles. La rénovation de ces immeubles favoriserait le retour des propriétaires dans les grands ensembles (principalement ceux qui les ont quittés à cause de leur mauvais état). Ceci est d’ailleurs une demande constante des propriétaires dans ces quartiers. Par conséquent, la reconstitution d’un organisme public capable de prendre en charge la rénovation des grands ensembles de logements sociaux constitue un enjeu majeur. De plus, les appartements vides ou sous-utilisés pourraient être à nouveau alloués au logement social, bien entendu avec l’accord de leurs propriétaires, afin de loger ceux qui ne peuvent l’être par leurs propres moyens.
[1] Cet article s’appuie sur la bibliographie établie dans le cadre de ma thèse de doctorat ayant pour titre « Le logement social à Athènes. Analyse des cités de réfugiés de Dougourti et Tavros, de 1922 à nos jours » au Département de géographie de l’Université Charokopeio. Une partie de cet article a fait l’objet d’une présentation au cours du congrès Development Days 2020 de la Société Finlandaise pour le Développement de la Recherche. La présentation avait pour titre: ‘Inequality Revisited: In Search of Novel Perspectives on an Enduring Problem’, Helsinki: House of Science and Letters, 26–28 February 2020.
Référence de la notice
Myofa, N. (2021) Immeubles de logements sociaux à Athènes, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/immeubles-de-logements-sociaux-a-athenes/ , DOI: 10.17902/20971.101
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
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