Travaux de rénovation sur le front de la baie de Faliro
2015 | Déc
Depuis octobre 2012 à l’emplacement de l’ancien hippodrome, on construit les nouvelles installations de l’Opéra national (Scène lyrique nationale) et de la Bibliothèque nationale, avec vue sur la mer et aménagement attrayant de l’environnement. Le complexe emblématique est signé Renzo Piano et financé par la « Fondation d’utilité publique Stavros Niarchos » qui a l’ambition de redonner vie à deux institutions culturelles majeures d’importance historique pour la ville d’Athènes, en créant un pôle d’attraction pour toute la métropole sur le front de mer de la baie de Faliro. L’ouvrage a une liaison privilégiée avec la côte de Faliro via l’esplanade olympique, et une fois achevé, fin 2015, il constituera le centre d’intérêt de toute cette zone de loisir qui aujourd’hui, est en cours d’aménagement le long de la côte, sur des terrains qui ont été conquis sur la mer au début des années 70 et ont accueilli une partie des installations olympiques de 2004.
Il est prévu d’y accueillir des centres de congrès et des centres commerciaux, des manifestations sportives et théâtrales, des installations portuaires et touristiques, qui sont en cours de construction ou qui résultent d’interventions plus anciennes sur la côte. Cette entreprise de rénovation a fait le pari d’organiser les parties non construites de la côte de manière à ce qu’elle puisse servir de zone unifiée de promenade, de réhabiliter les lieux et l’environnement après une longue période de dégradation, de prévenir les risques d’inondation qui s’étaient aggravés suite à la construction du boulevard côtier il y a trente ans, d’améliorer l’accessibilité à partir des zones résidentielles limitrophes de manière à donner vie au projet de reconnecter la ville à la mer. C’est dans cette direction que va l’étude d’un parc vert consacré à la flore méditerranéenne, étude conduite par Renzo Piano et sponsorisée par la « Fondation Stavros Niarchos » ; toutefois le financement de la construction de ce parc n’est pas encore assuré, on n’a pas encore clarifié qui sera chargé de sa gestion ni précisé l’étendue finale de la superficie constructible, questions qui créent des tensions entre les habitants des zones voisines et les instances chargées de la réalisation du projet.
La rénovation du bord de mer de la baie de Faliro est en discussion depuis les années 60, quand fut prise la décision stratégique de créer un pôle culturel et de loisir concernant toute la métropole sur le secteur de la côte athénienne le plus proche du centre historique : c’était l’endroit le plus facile d’accès du point de vue topographique, et c’est là que se trouvait d’ailleurs le plus ancien des quatre ports de la cité. C’est vers ce point que converge tout le trafic provenant du port du Pirée, du centre d’Athènes et de la côte du golfe Saronique ; on y jouit d’une vue dégagée sur Égine et depuis la mer, on découvre tout le bassin de l’Attique avec le rocher de l’Acropole en son centre.
De ce fait, au début des années 60, on considérait que l’emplacement se prêtait bien pour promouvoir l’image d’une ville qui revendique sa place sur le marché mondial du tourisme, grâce à la combinaison avantageuse qu’elle offre de la mer et de l’importance archéologique, deux composantes d’une expérience unique pour le touriste. Dans le but d’y développer des installations touristiques modernes de haut standing, des infrastructures sportives et commerciales, des installations portuaires et des piscines couvertes, il fut décidé d’élargir la zone en comblant la côte basse et sablonneuse (qui était alors un lieu de baignade très populaire, malgré un taux de pollution élevé, pour les classes populaires). Il était également prévu de construire une autoroute le long de la côte, avec des échangeurs à ses deux extrémités.
De ce projet de réaménagement, on a réalisé, avec une extrême lenteur, la route côtière et le Stade Irinis kai Filias (SEF – Stade de la Paix et de l’Amitié), tandis que les travaux de terrassement sont restés inachevés pendant des décennies, contribuant à la dégradation et à l’abandon de la côte. Toutefois, le choix stratégique les concernant a été repris par le Plan régulateur de 1985, dans la perspective d’une redistribution des fonctions centrales dans l’espace métropolitain, perspective qui ces dernières années est de moins en moins liée au développement d’infrastructures, au profit du développement de l’entreprenariat.
Athènes a vu dans les Jeux Olympiques de 2004 une nouvelle occasion d’assurer sa promotion économique et politique internationale. En souvenir des premiers Jeux de 1896, le dossier de candidature de la ville prévoyait un pôle olympique à Faliro, dans des installations sportives provisoires en complément au SEF, la fermeture de l’hippodrome, l’achèvement des travaux de terrassement et l’assainissement de la côte en vue de son organisation ultérieure conformément aux orientations du Plan directeur d’Athènes.
Mais très peu de ces travaux d’assainissement et d’accès ont été réalisés. Les installations sportives ont été pérennisées en y incluant des bâtiments commerciaux et des marinas pour petites embarcations. On a construit un prolongement de la Route Nationale sur le lit du Kifissos, avec un nouvel échangeur. Au lendemain des Jeux, le front de mer de la baie de Faliro était bloqué par des installations portuaires sur la plus grande partie de sa longueur, par de nombreuses constructions volumineuses, les zones non construites étant laissées en friche, l’accès y étant rendu encore plus difficile à cause de l’augmentation du trafic. Qui plus est, du fait des mesures de la loi « Développement durable et mise en valeur sociale des Installations olympiques » (2005), la zone côtière est devenue propriété de la Société des biens-fonds olympiques, qui fait tout son possible pour y développer des activités commerciales, au grand dam des autorités et des habitants des municipalités limitrophes ; au cours de la préparation des Jeux, ceux-ci avaient déjà exprimé leur mécontentement au sujet de l’empreinte environnementale très lourde et de l’opportunité contestable des travaux. Ce mécontentement gonfle au fur et à mesure que dure leur isolement de la plage et que leurs attentes pour la restauration des lieux demeurent lettres mortes.
En mars 2006, la fondation « Stavros Niarchos » a fait connaître son intention de sponsoriser le complexe de l’Opéra ; la convention concernant ce projet a été ratifiée par le Parlement grec en juillet 2009. En janvier 2011, la direction politique du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et du Changement climatique (ΥPΕΚΑ) a présenté l’étude pour un parc vert, pour apaiser les tensions et permettre le début des travaux. On a également annoncé un projet de créer un « corridor culturel » entre le front de mer et le centre historique de la ville. Parallèlement, on a commencé la conversion du stade olympique de tae kwon do en centre de conférences, ainsi que les discussions pour la construction d’un port destiné aux bateaux de croisière dans la baie de Faliro. L’ancien plan pour la mise en valeur touristique de la baie de Faliro est redevenu d’une actualité brûlante dans le cadre de la gestion de la crise de la dette qui plane sur la Grèce, car le développement du tourisme était lié à la politique de privatisation qui s’acheminait vers l’établissement d’un oligopole ; en même temps on a mis en œuvre le projet de développement de la côte du golfe Saronique baptisé « Riviera d’Athènes », qui repose sur des mesures extraordinaires pour régler les conditions de partenariat public-privé : il prévoit de vendre les droits de propriété et d’accorder des concessions pour les infrastructures, en liaison avec le développement du marketing de la ville. Le réaménagement de la baie de Faliro, dans ce contexte, jour le rôle d’un « aimant » pour les investissements touristiques
Les réserves formulées à propos de ce projet concernent plusieurs volets de son fonctionnement. Bien que l’on mette en avant sa contribution à la réhabilitation de la qualité de vie et de l’environnement dans toute la zone, on considère problématique de vouloir le relier, en tant qu’îlot de prospérité, à la dynamique sociale et aux besoins des zones résidentielles limitrophes. On remet également en cause son importance pour l’emploi local : selon l’expérience internationale, de tels projets offrent souvent moins d’emplois que prévu, mais aussi des emplois moins bien payés et moins sûrs. On considère que la priorité donnée à leur rentabilité, ainsi que les besoins pour entretenir des installations de haut standing, rendent ces projets fragiles face à la privatisation, surtout en périodes de récession économique, mais aussi face aux tentatives d’augmenter le taux de construction aux dépens de la qualité de l’environnement. D’ailleurs son caractère même de « métropolitain » offre la possibilité de passer outre au débat public et aux priorités existantes de planification, notamment lorsque sont impliquées des instances privées favorisées par le secteur public. En l’occurrence, le rôle du sponsor dans la conception de la future fonction culturelle de l’ouvrage demeure controversé. Une autre question enfin surgit de la fonction idéologique de l’ouvrage qui offre un vernis culturel à une entreprise de reconstruction de l’image de la ville en termes consuméristes, image que floute les conditions de vie actuelles à Athènes.
L’entreprise de rénovation en cours aujourd’hui dans la baie de Faliro, bien qu’à une échelle moindre, présente les caractéristiques des « programmes-phares » réalisés ces trente dernières années dans des zones comme Baltimore, Glasgow, Bilbao et Barcelone. De tels programmes servent à la compétition internationale des villes pour attirer des investissements et des visiteurs : « ils les dotent de tours, de bureaux, de centres commerciaux, d’infrastructures sportives et touristiques, les bâtiments emblématiques des grandes institutions culturelles qui s’installent dans des zones de grande valeur symbolique avec de grandes réserves de terrains, comme les anciens ports et les fronts de mer des villes frappées par la désindustrialisation. Il s’agit de travaux qui changent radicalement notre conception de la ville, en tournant notre regard sur ses fonctions consuméristes plutôt que sur sa dynamique productive et sociale. Ils changent radicalement notre conception de la planification urbaine, en orientant les ressources publiques vers des projets entrepreneuriaux privés aux dépens du bien public. Ils font de l’expérience collective de la ville un terreau pour l’industrie du spectacle, en produisant des images d’innovation, de réussite économique et de suprématie culturelle pour la consommation nationale et internationale.
Référence de la notice
Markou, M. (2015) Travaux de rénovation sur le front de la baie de Faliro, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/la-baie-de-faliro/ , DOI: 10.17902/20971.10
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Καρύδης Δ (2006) Τα επτά βιβλία της πολεοδομίας. 1η έκδ. Αθήνα: Παπασωτηρίου.
- Μάρκου Μ (2014) Από το υλικό των ονείρων. Ο φαληρικός όρμος σε μια ακόμη μεγάλη αφήγηση. Γεωγραφίες 24: 25–38. Available from: https://issuu.com/geographies/docs/cover_geo24_full.
- Μπίρης Κ (1966) Aι Αθήναι από του 19ου εις τον 20ον αιώνα. Αθήνα: Έκδοσις του Καθιδρύματος Πολεοδομίας και Ιστορίας των Αθηνών.
- Σαρηγιάννης Γ (2013) Η αριστερή ιδεολογία στην Πολεοδομία στην Ελλάδα, από το 1960 ως το 1990. greekarchitects.gr. Available from: http://www.greekarchitects.gr/gr/αρχιτεκτονικες-ματιες/η-αριστερή-ιδεολογ%C (ημερομηνία πρόσβασης 14 Ιανουάριος 2013).
Sources en ligne
- Observatory for free open spaces in Attiki http://www.asda.gr
- Citizens’ movement Kifi-SOS http://khfi-sos.blogspot.gr/
- Citizens’ movement of Moschato “Mesopotamia” http://www.mesopotamia.gr
- Greek National Opera http://www.nationalopera.gr/
- Stavros Niarchos Foundation Cultural Center http://www.snf.org/