La géographie du programme d’hébergement des demandeurs d’asile « ESTIA » à Athènes
2020 | Mar
A partir de 2015, avec l’arrivée massive de populations réfugiées en Grèce, toute une série de programmes destinés aux demandeurs d’asile et aux réfugiés ont été élaborés et mis en œuvre par divers acteurs, principalement dans l’espace urbain athénien. Ces programmes recouvrent (directement ou indirectement) différents aspects de la problématique d’implantation socio-spatiale des demandeurs d’asile et des réfugiés dans le cadre de la ville, ce qui soulève des questions concernant les tendances à l’œuvre, ainsi que les actions institutionnelles visant à favoriser la cohabitation des différentes communautés au niveau local.
Cet article analyse les dimensions socio-spatiales et la géographie du programme d’hébergement « ESTIA » pour les demandeurs d’asile à Athènes. En dépit du fait que ces dimensions n’aient pas été strictement et publiquement déterminées au cours de l’élaboration du programme, elles seront ici explorées de façon sélective à travers : a) les critères de localisation des structures de l’ESTIA (appartements et bâtiments) au sein du tissu urbain, et b) le discours et la vision des acteurs compétents en matière de diversité ethnique, de répartition et de ségrégation socio-spatiale à Athènes. En outre, nous commenterons le cadre d’élaboration de l’ESTIA, entre « urgence » et « intégration », ainsi que l’importance d’un certain nombre d’actions urbaines qui ont été réalisées. Les aspects ainsi analysés sont liés à l’interaction entre les différents groupes ethniques au sein de la ville, ils entrent en résonance avec les conceptions véhiculées par les études urbaines et la cohabitation interethnique comme processus inextricablement dépendant de l’espace, et rappellent le caractère fondamental de questions telles que la diversité ethnique, la mixité et la ségrégation socio-spatiales.
Cette recherche a été menée dans le cadre de la thèse de doctorat de l’auteure. La méthodologie suivie consiste en une analyse de la législation relative au sujet, d’un suivi systématique des politiques menées, du rassemblement, traitement et cartographie de données quantitatives, et d’interviews semi-formelles de représentants des structures impliquées.
Introduction
L’installation des populations immigrées dans les villes grecques a déterminé le développement urbain et la composition sociale de ces villes au fil du temps. Tout particulièrement à partir des années 1990, cette installation s’est réalisée par les moyens propres de la population arrivante, en l’absence de toute politique de logement et de toute politique d’intégration. Les groupes immigrants d’Europe de l’Est et des Balkans (1990), ou plus récemment du Moyen Orient, d’Asie, d’Afrique (courant des années 2000), se sont installés dans les quartiers centraux d’Athènes, dans le parc de logement laissé vacant par le déménagement – à partir des années 1970 – d’une partie des couches socio-économiques moyennes et supérieures en direction des banlieues (Βαΐου κ.ά. 2007, Μαλούτας 2018). Cette installation a produit une géographie mixte sur le plan socio-spatial et diversifiée sur le plan ethnique, différente des villes des USA ou d’Europe du Nord caractérisées par des niveaux de ségrégation ethno-raciale plus élevés (Arapoglou 2006). A Athènes, la ségrégation résidentielle horizontale s’est réduite et les conditions de promiscuité spatiale qui prévalaient ont constitué le terreau favorable au développement de relations de cohabitation interethnique et de tendances informelles à l’ « intégration » [1] des immigré-e-s (Leontidou 1990, Βαΐου κ.ά. 2007, Αράπογλου κ.ά. 2009).
Aujourd’hui, des questions font à nouveau surface en matière d’installation des réfugiés et demandeurs d’asile dans les villes. Une série de travaux académiques porte sur les politiques urbaines d’hébergement des réfugiés à l’échelle locale, l’importance des modes d’implantation des structures d’hébergement dans les villes (Doomernik and Glorius 2016, Eckardt 2018, Seethaler-Wari 2018), et examinent d’un point de vue critique les politiques de répartition des implantations de réfugiés dans l’espace urbain qui ont été mises en place dans certains pays à des fins de réduction de la ségrégation urbaine (Musterd et al. 1997, Andersson 2003, Netto 2011, Darling 2017). D’autre part, il y est question de politiques portant sur la diversité ethnique et la mixité interethnique dans des contextes locaux précis (Arapoglou 2012), ainsi que des questions de vie quotidienne, de relations et de fractures interethniques (Jacobsen 2006). Les regards qui en découlent diffèrent à travers le temps, depuis la conception de la diversité ethnique comme obstacle à la cohésion sociale (Putnam 2007), à celle qui la perçoive comme un avantage positif à renforcer (Vertovec 2007), en passant par des approches mettant l’accent sur l’intersectionnalité entre diversité et inégalités socio-économiques (Arapoglou 2012).
A partir de 2015, suite aux arrivées croissantes de populations immigrées en Grèce, une série de programmes et d’actions disparates en faveur des réfugiés et demandeurs d’asile ont été élaborés et mis en œuvre par divers acteurs (collectivités locales, ONG, organismes internationaux), principalement dans l’espace urbain athénien. Ces programmes recouvrent (directement ou indirectement) différents aspects de la problématique d’implantation socio-spatiale des demandeurs d’asile et des réfugiés dans le cadre de la ville, ce qui soulève des questions concernant les tendances à l’œuvre, ainsi que les actions institutionnelles visant à favoriser la cohabitation des différentes communautés au niveau local. Cet article analyse les dimensions socio-spatiales et la géographie du programme d’hébergement « ESTIA » pour les demandeurs d’asile à Athènes. En dépit du fait que ces dimensions n’aient pas été strictement et publiquement déterminées au cours de l’élaboration du programme, elles seront ici explorées de façon sélective à travers : a) les critères de localisation des structures de l’ESTIA (appartements et bâtiments) au sein du tissu urbain, et b) le discours et la vision des acteurs compétents en matière de diversité ethnique, de répartition et de ségrégation socio-spatiale à Athènes. En outre, nous commenterons le cadre d’élaboration de l’ESTIA, entre «urgence » et « intégration », ainsi que l’importance d’un certain nombre d’actions urbaines qui ont été mises en place. Les aspects ainsi analysés sont liés à l’interaction entre les différents groupes ethniques au sein de la ville, ils entrent en résonance avec les conceptions véhiculées par les études urbaines et la cohabitation interethnique comme processus inextricablement dépendant de l’espace, et rappellent le caractère fondamental de questions telles que la diversité ethnique, la mixité et la ségrégation socio-spatiales.
La méthodologie suivie consiste en une analyse de la législation relative au sujet, d’un suivi systématique des politiques menées, du rassemblement, traitement et cartographie de données quantitatives, et d’interviews semi-formelles de représentants des structures impliquées, en l’occurrence du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), des collectivités locales et d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) [2].
La géographie du programme ESTIA et les conceptions des acteurs sur la diversité ethnique, la dispersion et la ségrégation socio-spatiale à Athènes
Le programme ESTIA du HCR a débuté au cours de l’année 2016 en tant que Programme d’Urgence pour l’Intégration et le Logement’ [3] et concerne les demandeurs-euses d’asile répondant à certains critères de vulnérabilité [4] ainsi que des candidats au regroupement familial, auxquels un hébergement est fourni au sein des villes, dans des appartements ou autres bâtiments. L’arrêté ministériel de 2019 définit ESTIA comme « un programme apportant une aide économique et un logement » dans le but « d’assurer un niveau de vie convenable aux demandeurs de la protection internationale à travers la fourniture d’une assistance financière et dans certains cas d’un logement sûr et d’autres services d’assistance […]» [5]. Pour pourvoir aux besoins de ce programme, le HCR collabore avec 11 municipalités et 12 ONG nationales et internationales (UNHCR 2019). Malgré le fait qu’ESTIA semble correspondre aux caractéristiques de l’ « intégration » des demandeurs d’asile, concept qui figure d’ailleurs dans sa dénomination initiale, il fonctionne en fait avant tout dans le cadre de la gestion d’ « urgence », conservant jusqu’à aujourd’hui son caractère provisoire et entretenant un état de précarité permanente (Kourachanis 2018) [6].
« Le HCR n’est ici qu’à des fins de développement de capacités, nous sommes ici pour faire face à l’urgence, dès que les choses s’améliorent, nous partons. […] L’intégration est de la responsabilité du gouvernement. C’est très important pour nous, nous ne faisons pas d’intégration, le HCR ne fait pas d’intégration, nous soutenons l’intégration » (représentant de l’UNHCR).
A l’inverse de l’implantation des Structures Provisoires d’Accueil et d’Hébergement des demandeurs d’asile ouvertes (les « camps ») sur le continent (souvent distantes du tissu urbain) et des Centres d’Accueil et d’Identification (les « hotspots ») dans les îles du nord-est de la mer Égée (directement liées à la « restriction géographique » à laquelle sont soumis les demandeurs d’asile) , le programme ESTIA est mis en œuvre à l’intérieur du tissu urbain des villes grecques. Jusqu’en novembre 2019, 4 501 appartements et 14 immeubles étaient loués à l’échelle de la Grèce, dans 14 villes et 7 îles, les places d’hébergement ayant atteint les 25.666 [7], le nombre de personnes hébergées les 21 639 (UNHCR 2019, UNHCR 2020). La géographie du programme à travers la Grèce fait apparaître une concentration en Attique de l’ordre de 55 %, puis suit la Grèce du nord (20,7%), la Grèce centrale (7,8%), les îles (6,5%), la Grèce de l’ouest (6%) et la Crète (4%) (UNHCR 2020).
Carte 1: Nombre de places d’hébergement du programme ESTIA par villes et régions en Grèce, 30/11/2019.
Source : UNHCR (2019), ESTIA, Notes d’Information, Note d’Information sur le logement, Novembre 2019 et traitement par l’auteur.
En ce qui concerne les modes de sélection des appartements en location, le programme définit officiellement des critères précis [8]. Dans la phase d’ouverture du programme, le besoin de trouver rapidement et massivement des places d’hébergement a conduit à la location d’immeubles entiers, particulièrement dans le centre d’Athènes (qui étaient vides auparavant).
« Il y avait une demande d’hébergement et dans chaque appartement que nous louons on parle d’un maximum de 6 personnes, nous avons donc commencé à chercher sérieusement des structures plus grandes, comme des hôtels ou des immeubles. Dès que nous trouvions un immeuble entier nous pouvions y placer directement et rapidement près de 400 personnes » (représentant de l’UNHCR).
Le programme ESTIA s’est élargi à travers la location d’appartements isolés dans des immeubles, tandis que progressivement le HCR s’est orienté vers la diminution des locations d’immeubles entiers. La dispersion des places d’hébergement dans des appartements en ville a été considérée comme une meilleure pratique, d’une part du fait de l’augmentation des coûts d’entretien des bâtiments loués et d’autre part dans le but d’intéresser aux gains financiers issus de la mise en location de plus larges parts des propriétaires d’immeubles. A l’heure actuelle, la typologie des hébergements est faite à 95 % d’appartements, et de 5 % d’immeubles entiers, sur l’ensemble des structures disponibles (UNHCR 2020).
En ce qui concerne la localisation et les choix de lieux d’implantation des appartements de l’ESTIA à Athènes, les interviews des acteurs compétents laissent apparaître un certain nombre de critères se déployant sur deux niveaux : ceux portant sur les immeubles (sur la base desquels la location d’un nombre limité d’appartements a été décidée dans chaque immeuble), et ceux portant sur les quartiers. Pour ces derniers, l’objectif initial (mais choix politique aussi, particulièrement de la part de la Municipalité d’Athènes) était de disperser les appartements dans différentes zones et d’éviter la concentration des installations de demandeurs d’asile dans des quartiers bien précis du centre d’Athènes, du fait du « danger de ghettoïsation » dont elle eut été porteuse, expression issue des récits des acteurs concernés.
« Lorsque nous avons lancé le programme en 2016, nous avions posé des critères très stricts, comme par exemple de ne pas avoir plus d’un appartement par immeuble. Nous ne voulions pas de ghettoïsation, nous ne voulions pas qu’ils se retrouvent tous à Victoria et à Omonia. Malheureusement, en situation de désespoir, ces critères se relâchent. Et donc en ce moment, il y a différents secteurs dans lesquels il y a des concentrations plus importantes que dans d’autres […] Je veux dire que nous allons là où il y a une offre » (représentant du UNHCR).
Cependant, l’offre d’appartements en location la plus importante se trouvait dans des quartiers de bas niveau socio-économique du centre d’Athènes, dans lesquels des petits propriétaires de biens immobiliers ont proposé leurs appartements, du fait également de la sécurité apportée par l’ESTIA. En même temps, dans ces quartiers (par ex., dans l’axe des rues Acharnon et Patision), on relève aussi une concentration relativement plus importante d’immigrés de diverses nationalités et issus de différentes vagues d’immigration, et ce dès le recensement de 2011 [9]. Ainsi, dans l’ensemble, en parallèle à la dispersion générale qui a caractérisé la localisation des appartements dans la Municipalité d’Athènes et dans les municipalités avoisinantes (par ex., Zografou, Nea Smyrni, Moschato-Tavros, Nea Filadelfia-Nea Chalkidona etc.), on relève aussi quelques zones d’implantation plus dense et davantage d’appartements de l’ESTIA dans certains Secteurs Municipaux de la Municipalité d’Athènes, comme on le voit sur la carte 2, qui donne à lire des données géographiques globales concernant l’ESTIA de 2016.
« Ce que nous avons tenté de faire dès le début, c’est d’éviter les zones déjà peuplées par une importante population immigrée. Et nous avons essayé – et réussi dans une large mesure – de disperser nos appartements au sein de la ville d’Athènes et à travers des coopérations avec des municipalités limitrophes. Bien sûr l’offre était très importante dans les secteurs où vivent beaucoup d’immigrés – donc nous y avons aussi des logements, mais nous avons aussi réellement essayé d’aboutir à une dispersion » (représentant d’une collectivité locale, partenaire de l’ESTIA).
Carte 2: Pourcentage d’appartements ESTIA par Secteurs Municipaux, sur la totalité des appartements ESTIA de la Municipalité d’Athènes, 2016
Source: Παπαγιαννάκης (2017). Réponse à une question d’un collectif d’habitants d’Athènes. Thème : Programme d’hébergement des réfugiés de la Municipalité d’Athènes en collaboration avec le Haut Commissariat aux Réfugiés. Athènes, 21 février 2017 et traitement par l’auteur.
Comme nous venons de le voir, la géographie de l’ESTIA semble épouser la géographie ethnique existante de la ville, dans laquelle les locaux, les immigrés et les réfugiés sont installés dans une promiscuité spatiale, avec quelques zones de plus dense implantation d’immigrés et de réfugiés en certains endroits. Sur la base des propos des acteurs impliqués, nous voyons émerger certaines conceptions concernant la diversité ethnique, la répartition et la cohabitation interethnique. La diversité ethnique est appréhendée comme un élément positif susceptible de constituer un élément favorisant la cohabitation interethnique dans la ville et qui mérite d’être renforcé.
« L’économie locale, les appartements, participent à mon avis également à la diversité et à l’élasticité sociale de l’accueil de la différence. […] Personnellement, je pense que la diversité rend la société plus forte et le fait d’accepter quelqu’un qui a fui les persécutions de la guerre dans son quartier est une démonstration de force. En tous cas certainement pas de faiblesse » (représentant d’ONG, partenaire de l’ESTIA).
En dépit de l’adoption de cette rhétorique favorable à la diversité, les autorités ayant présidé à l’élaboration de l’ESTIA visaient la dispersion des appartements pour les demandeurs d’asile dans différents quartiers, l’évitement de l’ « hyper-concentration » de ceux-ci dans des quartiers où d’anciennes populations immigrées sont déjà installées, et donc l’évitement d’une plus grande diversité ethnique dans des quartiers bien précis, courant un danger de « surcharge ». C’est pourquoi la perception positive de la diversité semble entrer en contradiction avec une perception négative tacite de la concentration de populations réfugiées et immigrées, laquelle dans le discours des responsables est souvent confondue avec la « ghettoïsation ».
En même temps, pendant la période de mise en œuvre du programme, se sont créées quelques zones denses d’appartement de l’ESTIA et d’autres dans lesquelles les installations de demandeurs d’asile sont relativement plus concentrées, en l’occurrence des quartiers peuplés de populations immigrées plus anciennes. Bien que cet élément soit dévalorisé et perçu comme négatif par les structures compétentes, relativement aux dangers de « ghettoïsation », ce lien n’est pas avéré. La géographie de l’ESTIA, qui épouse celle de la mixité ethnique à Athènes (avec des quartiers dans lesquels aucun groupe ethnique ne se trouve en majorité), ne peut être assimilée à des politiques de ségrégation des demandeurs d’asile dans l’espace urbain. Au contraire, ce qui se produit est un renforcement de l’ « hyper-diversité » (Alexandri et al. 2017) dans certains quartiers, ce qui peut être considéré comme éminemment positif pour la vie quotidienne des différents groupes ethniques. D’ailleurs, la dispersion des populations réfugiées et la mixité sociale comme uniques principes généraux des politiques urbaines sont insuffisantes. Au contraire, il est nécessaire de les accompagner de pratiques et d’actions favorisant l’installation socio-spatiale à long terme, ainsi que le renforcement de la cohabitation interethnique à l’échelle locale.
Figure 1 : Pourcentage des nationalités de bénéficiaires du programme ESTIA, 30/11/2019
Source : UNHCR (2019) ESTIA, Notes d’Information, Note d’Information sur le logement, Novembre 2019 et traitement par l’auteur.
Questions ouvertes sur la cohabitation interethnique
L’ « hyper-diversité », la ségrégation résidentielle réduite et le voisinage spatial qui caractérisent la géographie de l’ESTIA, n’impliquent pas automatiquement le « voisinage social » ou une cohabitation interethnique harmonieuse. Au contraire, il existe d’importantes différences entre les « contacts » superficiels avec la « différence » ou avec l’ « autre » dans la ville – tels qu’ils sont généralement promus par les politiques urbaines – et les interactions systématiques entre groupes ethniques (Valentine 2008, Koutrolikou 2012). Bien que dans le cadre de l’ESTIA ont été organisées des « actions de formation des réfugiés sur la vie quotidienne dans la ville » (UNHCR 2018), celles-ci ont surtout relevé de l’initiative bénévole des différents partenaires, et incluaient surtout des événements culturels et des manifestations relevant des pratiques habituelles des politiques de mixité sociale. Les interactions générées par de tels événements peuvent avoir un effet bénéfique sur le premier niveau de familiarisation avec « les autres », mais leur caractère partiel et « ponctuel, n’est pas suffisant pour construire des relations ou résoudre les tensions existantes » (Koutrolikou 2012: 2062).
L’importance de cette discussion se fait encore plus aiguë dès qu’il s’agit du cadre urbain de la ville d’Athènes, dont il a déjà été mentionné qu’il renforce la probabilité de « contacts » entre les immigré-e-s et les locaux (Kandylis and Maloutas 2018). La diversité ethnique, la proximité spatiale, la mixité sociale, le « contact » quotidien et la ségrégation ethnique horizontale limitée qui caractérisent Athènes sont autant de conditions nécessaires mais non suffisantes dans le but de parvenir à une cohabitation interethnique. Elle offrent toutefois un terrain favorable, dans lequel il sera à l’avenir possible d’élaborer les nécessaires politiques d’installation socio-spatiales des réfugiés, particulièrement en vue du transfert progressif de l’ESTIA vers les services et la gestion des autorités publiques grecques. L’absence d’une politique plus complète en faveur de la cohabitation interethnique (qui s’articulerait au programme d’hébergement), et l’existence parallèle d’une foule d’autres actions partielles, provisoires et bénévoles, créent une contradiction spécifique susceptible de (re)produire des formes particulière d’exclusion, des fractures sociales et des affrontements au sein de l’espace urbain.
[1] Le concept d’intégration sociale reste complexe, en débit des nombreuses tentatives de fournir des définitions adéquates, v. par exemple le cas d’Ager et Strang (2008) qui incluent aux facteurs constitutifs de l’intégration – entre autres – le logement mais aussi les relations sociales et les réseaux de connaissances. Dans le présent texte, l’usage de ce terme a été évité pour différentes raisons dont certaines tiennent aux critiques dont il a fait l’objet (voir entre autres Mavrommatis 2018, Schinkel 2018). Le choix a ici été fait d’user du terme « installation socio-spatiale », qui met en avant le facteur spatial comme susceptible d’éclairer des aspects socio-spatiaux complexes de l’installation, qui sont souvent négligés.
La recherche a été menée au cours de l’année universitaire 2017-2018 et s’inscrivait dans le cadre de la thèse de doctorat en cours de l’auteure, qui a pour titre initial : « Immigration, diversité et négociations de cohabitation dans les quartiers d’Athènes. Politiques institutionnelles et pratiques quotidiennes ». La recherche doctorale a bénéficié du soutien du Compte Spécial des Budgets de Recherche (CSBR/ ΕΛΚΕ) de l’Université Polytechnique Nationale d’Athènes (UPNA/ ΕΜΠ) et par la suite de la Fondation Hellénique pour la Recherche et l’Innovation (FHRI/ ΕΛΙΔΕΚ) et le Secrétariat Général à la Recherche et à la Technologie (SGRT/ ΓΓΕΤ), dans le cadre de l’action « Bourses FHRI pour les doctorants » (n° de contrat 1192).
[3] L’ESTIA est une évolution du « Programme de Fourniture de Logement dans le cadre de la Réinstallation » du HCR, qui a été lancé en octobre 2015 et s’est achevé en septembre 2017.
[4] Tels que définis dans les lois Ν. 4375/2016 et Ν. 4540/2018.
[5] JO/ ΦΕΚ 853/Β/12.03.2019. Décision Ministérielle n° 6382/19: Définition du cadre d’adoption du programme d’attribution d’aide économique et au logement « ESTIA ».
[6] Cette insécurité s’est trouvée renforcée par la Décision Ministérielle susmentionnée, qui a consacré l’exclusion des réfugiés reconnus de l’ESTIA avant le début de la mise en œuvre du stade suivant de l’ « intégration » (programme « Helios »), et sans lien direct entre les deux programmes.
[7] Chaque appartement peut offrir jusqu’à 6 places d’hébergement.
[8] Des critères architecturaux portant sur la superficie des appartements, leur état général, les conditions de luminosité et d’aération, les équipements ménagers, etc. La location des appartements est conclue entre le propriétaire et chacun des partenaires de l’ESTIA, avec une limite de loyer de 400 euros et souvent le règlement à l’avance de quelques loyers au propriétaire.
[9] Pour un aperçu et une cartographie de ces concentrations sur la base des données du recensement de 2011, v. Balampanidis (2019).
Référence de la notice
Papatzani, E. (2020) La géographie du programme d’hébergement des demandeurs d’asile « ESTIA » à Athènes, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/la-geographie-du-programme-estia/ , DOI: 10.17902/20971.95
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
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