Le cadre institutionnel de la planification urbaine du centre d’Athènes : Aspects du Plan stratégique et du Plan régulateur
2017 | Juin
Ce texte aborde le cadre institutionnel de la planification urbaine du centre-ville d’Athènes et son importance, afin de faire ressortir certains aspects des politiques pour le centre-ville qui restent peu visibles. Même si le concept de cadre institutionnel peut s’appliquer à une grande variété de lois, de règlements et de mesures (par exemple le registre foncier, le régime d’intervention dans les bâtiments vacants, le régime de location des bâtiments du secteur public, les dispositions fiscales et bancaires, les règlements pour les commerces touchant à la santé publique, etc.), le présent article se focalise volontairement sur des outils de nature urbanistique, en suivant la distinction entre outils de planification stratégiques et régulateurs.
Du point de vue méthodologique, cette étude s’appuie sur l’examen et l’analyse systématiques des lois et décrets, ainsi que sur des données provenant de programmes de recherche et de cours à l’École d’Architecture de l’Université Technique Nationale d’Athènes [1]. La mention « centre d’Athènes » prend en compte la délimitation du « centre historique » (ΦΕΚ. 567-IV/1979) et du « centre supralocal » (selon le Plan général d’urbanisme), ainsi que les limites administratives de la municipalité d’Athènes, sans toutefois s’y identifier. Elle constitue au contraire une définition plus ouverte qui garde en son centre le triangle historique de Stamatis Kléanthis et d’Eduard Schaubert et inclut en gros le premier arrondissement municipal et des parties des deuxième et troisième arrondissements.
Le présent texte fait ressortir une relation complexe entre cadre institutionnel et développement urbain du Centre. D’une part, même si le développement du Centre ne saurait être compris comme l’expression spatiale de sa réglementation institutionnelle, et malgré les idées reçues dominantes sur la non-application de la planification, on ne peut que souligner l’importance et le rôle discret du cadre institutionnel. D’autre part, il faut souligner l’utilisation sélective du cadre institutionnel, utilisation en relation avec des dynamiques et pratiques sociales de développement de l’espace urbain.
Centre-ville, centralités et visions pour le Plan stratégique
Le Plan directeur d’Athènes (RSA) de 1983 (loi 1515/1985, J.O. 18-I/1985) a marqué, au début des années 80, une césure pour la planification (aussi) du Centre d’Athènes, dans le cadre de la constitution d’un système unifié de planification pour le pays (loi 1337/1983, Entreprise de reconstruction en matière d’urbanisme) [2], soutenu par la fondation de l’Organisme pour le Plan directeur d’Athènes (ORSA) (Γεράρδη, 1997, 1998)[3]. Les objectifs du Plan directeur d’Athènes 1983 – réunis sous le titre « Athènes et encore Athènes » – (Figure 1) comprenaient entre autres : la « redistribution des fonctions », la « structure multicentre », la décentralisation des services, la limitation des fonctions centrales et le décongestionnement des zones centrales. Le RSA 1983 visait à conserver et à mettre en valeur le caractère historique du Centre, à en éloigner le commerce de gros, à y ramener les logements, à éviter le trafic automobile de transit, au profit d’un réseau piétonnier unifié et de la création d’un réseau de tram (spécifiquement mentionné, sans allusion au métro) (Figure 2).
Figure 1: Couverture Plan directeur d’Athènes 1983 intitulé : « Athènes et encore Athènes ». On y trouve pour la première fois une image de la piétonnisation de la rue Panepistimiou et de la ligne de tram qui l’emprunte
Figure 2: Prévisions stratégiques du RSA 1983 pour la « Zone du centre d’Athènes »
Ces objectifs devront être compris dans le cadre de l’importance acquise dans la conjoncture de l’époque par la très forte pollution atmosphérique ainsi que par ce qu’on appelait l’« hydrocéphalie » de la capitale. Le RSA 1983 visait parallèlement à répondre à l’expérience vécue par la reconstruction intensive du Centre dans l’après-guerre, l’augmentation des taux de construction (qui avaient encore augmenté sous la dictature) et par ce que l’on commençait à considérer comme une « altération » du caractère du centre historique. Étant donné par ailleurs que les rythmes d’urbanisation avaient, déjà, diminué et que le Centre était construit en grande partie, il apparaissait nécessaire de retrouver une certaine qualité de vie, de procéder à des réhabilitations et à des interventions pour retrouver une certaine qualité de vie, en tenant compte également de l’importance, qui commençait à émerger, de la protection de l’environnement et de l’héritage culturel.
Depuis lors, on a exprimé toutes sortes d’avis sur l’efficacité du RSA. Depuis l’opinion que sa contribution a été « de nulle à insignifiante » (Αραβαντινός, 2002), jusqu’à l’idée qu’elle « a marqué les conceptions de la planification, mais aussi une grande partie de la pratique politique et technique sur les questions de la ville » (Γεράρδη, 1998: 44). Aussi contradictoire que cela puisse paraître, nous soutenons dans le présent article que ces avis contradictoires contiennent des points de vue tout aussi réels les uns que les autres.
Tout d’abord, nous pouvons aujourd’hui voir que beaucoup des prévisions du RSA se sont réalisées au cours des décennies suivantes, entre autres : la « création d’une structure multicentre », la « redistribution de l’administration de haut niveau » avec l’éloignement partiel des ministères du Centre (non pas toutefois en direction de l’ouest), la « concentration du commerce de gros en dehors du bassin d’Athènes » (mais pas toujours dans des zones judicieusement choisies), la « réinstallation des unités dispersées de l’industrie et de l’artisanat loin des zones d’habitation » (Γεράρδη, op.cit.: 46-7).
On pourrait ainsi, d’un côté, soutenir (en partie à juste titre) que la promotion emphatique du retour de l’habitat et de la mise en valeur du caractère historique du centre, indépendamment des intentions du plan, a contribué avec le temps à affaiblir la multifonctionnalité, à éroder la « multi-inclusivité » ou pluralisme social, et à vider certains bâtiments, du moment que les usages qui ont été « décongestionnés » n’ont pas pu être remplacés par d’autres (ΕΜΠ – ΥΠΕΚΑ, 2012). D’un autre côté, on pourrait affirmer (de nouveau en partie à juste titre) que ces changements, quand bien même ils étaient prévus par le cadre institutionnel, ne se sont pas produits précisément à cause de ce cadre, mais étaient corrélés à des processus plus larges de développement de l’espace. Par exemple, le désengorgement fonctionnel du Centre, tout en constituant une politique spatiale explicite du RSA, a été lié aux dynamiques du secteur BTP intérieur, au changement d’échelle et de structure du régime de la propriété et de la construction, à des changements culturels et à de nouveaux standards de consommation. Il pourrait même, dans une certaine mesure, se comprendre dans le cadre de tendances beaucoup plus larges à la dispersion urbaine et à l’« extra-urbanisation », que l’on retrouve à la même époque à l’échelle mondiale (Soja, 2000).
Ces remarques nous amènent à nous demander quel aurait été le développement du Centre ville si l’on n’avait pas institutionnalisé le cadre du RSA et quelle a été , finalement, son utilité.
Un premier point à souligner est que l’application sélective du RSA a satisfait certaines exigences ultérieures du marché, dans d’autres cadres conceptuels avec d’autres objectifs. Par exemple, le transfert de l’administration publique s’est fait dans une large mesure après 2000, intensifiant ainsi les tendances au déclin de zones centrales, en éloignant certains salariés du Centre et en entraînant toute une série d’autres usages et des économies d’échelle) [4]. Parallèlement, le RSA a servi de guide pour réaliser progressivement de grandes interventions urbaines au Centre, en premier lieu le grand chemin pédestre qui fait le tour de l’Acropole, par l’intermédiaire de la Société pour l’Unification des Zones archéologiques d’Athènes (ΕΑΧΑ) ; il a aussi constamment servi de référence pour des réaménagements qui reviennent régulièrement depuis dans le débat public sous formes de projets urbains, comme les interventions sur la rue Panepistimiou, à l’Académie de Platon, sur les immeubles pour réfugiés du boulevard Alexandras / Kountouriotika et d’Elaionas.
Un deuxième point qu’il convient de souligner est qu’il était, éventuellement, commode de garder longtemps en vigueur un RSA considéré comme « obsolète » afin de pouvoir plus facilement le contourner par toute une série de modifications sous le sceau de l’urgence. Cette thèse est confortée par le fait que les Jeux Olympiques de 2004 ont eu lieu grâce à des modifications du RSA existant, par des procédures de dérogation introduisant une nouvelle conception de l’organisation de l’espace (Ευαγγελίδου, 2004, Ηλιοπούλου, 2004, Σταθάκης et Χατζημιχάλης, 2004), qui n’a pas tenu compte des nouvelles données spatiales et sociales d’Athènes (Βαΐου κ.α., 2004, Μαντουβάλου 1996α, 2010). Tout aussi caractéristique est le fait que la planification du réseau du métro, dont le développement a eu depuis une influence décisive sur les dynamiques du Centre, a été le fait de Attiko Métro, paraallèlement au RSA et à ses prévisions.
En tout cas, le RSA de 1983, avec ses modifications, est resté formellement en vigueur pour une durée de trente ans, jusqu’en 2014, date à laquelle fut adopté le Plan régulateur « Athènes-Attique 2021» [5] . La conjoncture était désormais différente à tout point de vue. D’une part en raison des paramètres de la « crise du Centre », comme la diminution de la population domiciliée dans la municipalité d’Athènes, la croissance des groupes sociaux fragiles et de la pauvreté, les manifestations de xénophobie et de racisme, le parc immobilier déclinant et en partie inoccupé (cf. ΕΜΠ-ΥΠΕΚΑ, 2012, Μαντουβάλου et al., 2011), ainsi que le discours dominant élaboré à l’occasion de cette crise (encounterathens, 2011, Καλαντζοπούλου et al., 2011). D’autre part, en raison du nouvel environnement institutionnel dans le cadre du régime du mémorandum, qui incluait la suppression de l’Organisme pour le RSA et de la société ΕΑΧΑ, l’introduction de nouvelles lois et de nouveaux outils de planification et l’implication plus directe du secteur privé dans les questions de planification (Βαΐου, 2014).
Les procédures d’élaboration du nouveau Plan régulateur ont conduit dans une première phase, à la proposition d’un projet de loi, en 2011 (RSA/2011), et dans une seconde phase, à la version finale qui fut adoptée officiellement en 2014 (RSA/2014) (loi 4277/2014,ΦΕΚ 156-I/2014). La lecture comparative des première et seconde versions du nouveau RSA présente un intérêt particulier, puisqu’elle souligne l’opposition entre des conceptions et des objectifs différents pour le Centre d’Athènes (Figures 3, 4).
Figures 3 & 4: La carte du « Plan stratégique », à partir de la version RSA/2011 et de la version finale, officialisée, du RSA/2014. À côté du « Centre métropolitain » et des « Pôles de développement, on distingue dans la seconde version, l’adjonction des « Axes de développement ».
Plus précisément, le projet de loi pour le RSA/2011 reprenait de façon dynamique, les problèmes du Centre, en tentant de reprendre le fil du RSA 1983. Il mettait désormais en avant, pour remplacer la logique du « décongestionnement », le modèle de la « ville compacte » et posait expressément comme objectif, le renouvellement du parc immobilier existant. L’une des directions privilégiées était la « recomposition intégrée » du Centre, avec pour axes, la revitalisation de l’administration centrale, le renforcement des activités et de l’emploi, le développement de la fonction résidentielle, la mobilisation du parc immobilier vacant, la promotion des transports publics, etc. La version finale adoptée en 2014 laissait au contraire de côté des formules comme la « revitalisation de la centralité », le « coup de frein radical à l’expansion urbaine », la « densification fonctionnelle », le « caractère multi-inclusif du Centre », la « revitalisation de la production » ou l’« éloignement des véhicules automobiles privés ». Il ajoutait de plus toute une série de paramètres contraires à la centralité du Centre, par ex. les grands « axes de développement » et les grands ouvrages routiers, des prévisions plus souples pour les grands centres commerciaux, et le pôle de développement à l’emplacement de l’ancien aéroport d’Elliniko.
Les différences entre les deux versions du RSA 2021 reflètent les divergences de vues de tous ceux qui sont directement impliqués dans la planification stratégique, professionnels de la planification, universitaires, hommes politiques et hauts fonctionnaires. Elles mettent en lumière la versatilité à propos des intentions de la planification, par exemple, très schématiquement, dans quelle mesure elle devra être « pro-développement » ou « pro-environnement ». À leur tour, ces conceptions différentes reflètent la tension liée aux enjeux du développement de l’espace urbain et les pressions des réseaux économiques et technocratiques pour satisfaire des demandes de développement par le biais de l’adoption de la planification (Μαντουβάλου, 2014), ce qui suffit à montrer que la planification stratégique a son importance.
Centre-ville et usages de la terre pour le Plan régulateur
Au niveau du plan régulateur, quelques années après l’adoption du RSA 1983, le Plan général d’urbanisme (PGU) de la municipalité d’Athènes de 1988 (Décision ministérielle 255/45/1988, J.O. 80-IV/1988, avec modifications) a spécifié à un niveau règlementaire toute une série de directions du RSA (Figure 5). Le PGU prévoyait de délimiter et de limiter l’extension du Centre-ville, en définissant comme « Centre supralocal » la zone : rues Akadimias, Panepistimiou, Stadiou, les places Syntagma et Omonia et le Triangle commercial. Selon les usages officialisés du PGU, il était prévu pour le centre d’Athènes principalement des zones de « centre urbain », de « centre local » et de « résidence en général », qui comprenaient une large gamme de fonctions (conformément au décret 166/1987) et en fait, répondaient à son caractère multifonctionnel.
Figure 5: Le Plan général d’urbanisme de la municipalité d’Athènes
En tant que spécification du RSA 1983, le PGU (Plan général d’urbanisme) 1988 défendait lui aussi le désengorgement des zones centrales, ainsi que la revitalisation des centres locaux à l’intérieur de la municipalité d’Athènes (multicentralité), avec un contrôle simultané et une limitation progressive du développement de nouvelles fonctions centrales le long des grandes artères. Il prévoyait en outre lui aussi de mettre en valeur le caractère historique du Centre, de contrôler les usages du sol et de réduire les possibilités de construction, de stimuler le logement existant et de limiter l’installation de bureaux et de commerces.
Pour spécifier davantage le PGU, on élabora et adopta entre les années 80 et les années 2000 toute une série de décrets fixant les usages du sol dans les quartiers du Centre (Figure 6) (cf. ΕΜΠ-ΥΠΕΚΑ, 2012) [6] .
Plus précisément, au cours des années 80, on prit les décrets pour le quartier de Plaka (ΦΕΚ 617Δ/1980, J.O. 1329Δ/1993) et celui de Thisio (ΦΕΚ 60/1989), c’est-à-dire les quartiers de la vieille ville près de l’Acropole. La production de décrets s’intensifia au cours des années 90 avec les décrets concernant Exarchia (ΦΕΚ 1075Δ/1993), Mets (ΦΕΚ 1150Δ/1993), le Triangle commercial (ΦΕΚ 704Δ/1994), Psyrri / Omonia (ΦΕΚ 233Δ/1998) et Metaxourgio (ΦΕΚ 616Δ/1998, avec ses modifications) qui se combinèrent avec des programmes de réhabilitation [7] et plusieurs piétonnisations (Κανελλοπούλου, 2016). Le dernier décret élaboré concernait la rue Pireos, qui incluait le quartier de Gazochori, au milieu des années 2000 (ΦΕΚ 1063Δ/2004, avec ses modifications).
Figure 6: Usages spéciaux du sol de la municipalité d’Athènes, où s’y appliquent les décrets associés
Ces décrets définissaient ce qui était permis ou interdit, comment et combien l’on pouvait construire, ce qui était protégé et ce qui était déconseillé. Il est intéressant de souligner par ailleurs que – malgré les discours dominants – beaucoup des mesures envisagées dans les décrets furent effectivement appliquées et que ces décrets ont eu un impact, parfois important, sur le développement de certains quartiers du Centre. Par exemple, on suivit scrupuleusement les décrets pour promouvoir le logement, la culture et l’administration publique sur le boulevard Vasilissis Sofias, pour renforcer le logement et limiter les activités de loisir à Mets, mais aussi à Plaka (Ζήβας, 2006), ou encore pour développer une certaine forme de loisirs à Metaxourgio. Par ailleurs, les décrets concernant le Triangle commercial et Psyrri ont contribué, semble-t-il, à leur façon, à réduire voire éloigner le commerce de gros, les activités de transformation et toute une série d’activités professionnelles connexes, et par extension le logement. Ces constats, une nouvelle fois rappelés, ne permettent pas d’énoncer des relations linéaires absolues entre cadre institutionnel et évolution spatiale.
Nous soulignerons, plus spécifiquement, une série de remarques concernant les rapports entre le cadre réglementaire sur les usages du sol et les dynamiques des activités de transformation, de logement et de loisirs :
Transformation / Production:
Le PGU et plusieurs décrets concernant l’utilisation du sol (Triangle commercial, Psyrri, Metaxourgio) ont tenté de limiter activités professionnelles, activités de production et commerce de gros dans les quartiers du centre. Par ailleurs, le décret sur la rue Pireos limitait les activités de production en définissant une grande partie de l’axe comme parc industriel (VIPA) « à assainir » et en privilégiant des activités du secteur tertiaire. Ces politiques semblent aujourd’hui contestées, dans la mesure où si elles visaient certes à une organisation plus rationnelle et soucieuse de l’environnement des usages du sol, elles ont contribué toutefois au fil du temps, à affaiblir fonctionnellement ces quartiers et à éloigner des populations qui y travaillaient ou y habitaient. Bien sûr, une nouvelle fois, il ne serait pas sérieux d’attribuer globalement l’affaiblissement de la production à l’application des décrets, mais il faut prendre également en compte une série de lois et de politiques centrales (ΕΜΠ κ.α., 1996), les restructurations plus larges du secteur de la production aux niveaux national et européen, la désindustrialisation des années 80, l’intégration du pays à la CEE, à l’UE et à la zone euro et son orientation ultérieure en matière de développement, ainsi que des intérêts financiers à petite échelle en relation avec le marché immobilier.
Logement:
Le logement a été promu comme direction dans la plupart des décrets adoptés. Dans certains cas, comme Plaka ou Mets, il semble que cette politique a été largement efficace, même si probablement son application ont contribué à une certaine forme de « gentrification ». Dans d’autres cas, comme pour le Triangle commercial et Psyrri, le logement n’a été renforcé que de façon sporadique, soit faute de demande correspondante, soit à cause du manque d’intérêt du marché immobilier. Un autre facteur qui a également contribué à cette situation, c’est le fait que l’on a laissé se développer quasiment sans contrôle les activités de loisirs, mais aussi le fait que les décrets excluaient les bâtiments qui n’étaient pas destinés dès l’origine au logement (par exemple la forme dominante du bâtiment à usage artisanal / professionnel) et de façon générale, du fait que l’on promouvait le logement par le biais de la réglementation sans offrir toutefois un cadre directeur pour son développement [8]. Par ailleurs l’administration centrale ou la municipalité d’Athènes ont annoncé ou lancé de temps à autre des programmes de réhabilitation, elles ont utilisé de nouveaux outils de planification ou de financement, comme l’ΣΟΑΠ ou l’ΟΧΕ, qui couvrent de façon fragmentaire et conjoncturelle une partie du Centre et de ses problèmes, alors que l’on a en même temps essayé des plateformes expérimentales avec la participation décisive du secteur privé. Les contradictions qui en résultent sont particulièrement mises en évidence dans des cas où le Conseil d’État, via la jurisprudence qu’il a développée, est appelé à interpréter le cadre légal en vigueur, influant ainsi directement sur les politiques pour le Centre et son développement, tendant même parfois à se substituer à la planification [9] .
Malgré la multiplicité des objectifs, des outils de planification et des intervenants, on n’a pas encore expressément soumis au débat public la nécessité éventuelle de revoir le cadre plus général de la planification du Centre, que ce soit de la part des professionnels de la planification ou des associations professionnelles, pas plus que de la part de l’administration publique ou locale, ni même de la part du marché. Au final, il en résulte des difficultés importantes pour appliquer une stratégie pour le Centre, tant au niveau des compétences que pour le choix de l’échelle spatiale, des outils de planification, des procédures de planification et des mécanismes appropriés aux interventions sur le Centre-ville dans la conjoncture actuelle. En conséquence, le cadre institutionnel de la planification pour le Centre-ville est élaboré à un niveau qui se prête à toute une série d’interprétations erronées, de divergences et de dérogations. D’un côté, on maintient en vigueur des politiques et des planifications dépassées ou dont l’échec a été démontré par l’expérience. D’un autre côté, on applique des procédures de planification divergentes.
Dans une approche tenant compte des échelles du capital investi et de la propriété (Massey & Catalano, 1978, Mantouvalou, 1996b)
nous pourrions dire que le petit et moyen capital des professionnels, propriétaires et habitants du Centre-ville doit toujours suivre les mesures réglementaires restrictives des décennies précédentes et les dispositions qui en découlent, ou les contournent par des procédures informelles. A contrario, le grand capital peut, lorsqu’il s’intéresse au Centre, influencer et modifier le cadre en vigueur. D’ailleurs le fait que le cadre institutionnel de la planification soit jugé « obsolète », en légalise d’une certaine façon la modification, quand bien même cette modification est fragmentaire.
L’analyse du cadre stratégique et du cadre réglementaire pour la planification du Centre-ville d’Athènes fait ressortir au final le rôle discret du cadre institutionnel dans l’évolution du Centre. Elle contredit aussi bien les points de vue qui soutiennent que la planification reste inappliquée, que ce ne sont que des « paroles en l’air », que ceux qui imputent au cadre institutionnel « bureaucratique » de la planification la responsabilité des problèmes du Centre. Nous soutenons donc qu’il existe une planification et que cette planification a fonctionné dans diverses conjonctures, même si on l’a utilisée de façon sélective. Bien sûr, les outils institutionnels de planification, qu’ils soient stratégiques ou réglementaires, ne constituent qu’une partie des politiques pour le Centre, politiques qui sont plus larges : parfois elles s’appuient sur ces outils institutionnels, parfois elles les contournent.
Par ailleurs, il serait sensé de dépasser la question de savoir si et dans quelle mesure s’applique le cadre institutionnel pour la planification du Centre-ville, et de réexaminer s’il aurait été préférable que cette planification soit appliquée à la lettre et, surtout, si nous voulons continuer, aujourd’hui, àl’appliquer. En dernière analyse, il apparaît que l’application sélective du cadre institutionnel a eu des résultats positifs autant que négatifs, tout comme sa non-application. Nous pourrions donc dire que la question n’est pas l’application ou l’efficacité du cadre institutionnel, mais le sens et l’importance des lois, dispositions et mesures de la planification, et plus largement la question du type de centre-ville que nous voudrions que nous donne la planification.
Contrairement aux décennies précédentes, il semble que dans la conjoncture actuelle les réflexions et prospectives sur « quel centre-ville voulons-nous » manquent de cohérence, tandis que la stratégie pour son développement futur reste plutôt contestée. Il reste à résoudre toute une série de questions sur les utilisations de l’espace et les couches sociales auxquelles elles correspondent, sur la multifonctionnalité et la pluralité du Centre, sur la centralisation ou la décentralisation du développement urbain, sur ses perspectives de développement et sur les modes d’intervention dans l’environnement construit, mais aussi sur les perspectives d’une ouverture vers le bas des procédures de planification.
[1] J’aimerais remercier tout particulièrement Maria Mantouvalou, professeure honoraire à l’EMP, pour sa contribution à l’élaboration de ce texte. Ainsi que Giannis Polyzos, professeur honoraire à l’EMP, Maria Mavridou, ancienne chargée de cours à l’EMP, et Panaghiotis Tournikiotis, professeur à l’EMP, responsable scientifique du programme de recherche « Changements de caractère et de politiques dans les centres-villes d’Athènes et du Pirée » (ΕΜΠ-ΥΠΕΚΑ, 2010-2012), ainsi que tous les membres de l’équipe de recherche.
[2] Ces tentatives d’ailleurs ont constitué plutôt une divergence par rapport aux tendances qui dominaient dans les années 80 en matière de planification spatiale dans les pays du « monde occidental », dans le cadre de l’émergence du néolibéralisme.
[3] Pour les plans régulateurs précédents d’Athènes, v. Σαρηγιάννης, 2010.
[4] Selon Chatzimichalis (Χατζημιχάλης 2011), jusqu’en 2009, huit ministères et grandes administrations centrales et 4-5 000 employés ont quitté le Centre.
[5] Les débats pour un nouveau Plan régulateur avaient commencé à la fin des années 2000, sans oublier un projet de loi de 2009, qui n’a pas été adopté.
[6] Ils avaient été précédés par les décrets sur le boulevard Vasilissis Sofias (ΦΕΚ 215Δ/1975, avec amendements), sur la rue Iera Odos (ΦΕΚ 391Δ/1985).
[7] Il convient de mentionner tout particulièrement le programme de réhabilitation confié par la municipalité d’Athènes au Laboratoire d’études urbanistiques de l’EMP : « Triangle commercial du Centre d’Athènes », 1989-1991, cf. Αραβαντινός, 1997.
[8] Cet état de fait tend à changer depuis quelques années en raison du développement de formes de location provisoire des établissements, de la chute de la valeur commerciale des immeubles et des changements plus larges sur le marché immobilier. Il faut relever également que la stimulation prévue du logement a été réalisée dans une certaine mesure et de façon inattendue, peut-être, autour d’Omonia, par l’établissement informel de migrants et de groupes en difficulté.
[9] Nous en avons un exemple caractéristique dans la modification récente du PGU de la municipalité d’Athènes à l’Académie de Platon, pour y construire un centre de commerce et de loisirs. Ou dans la modification du décret sur le Pirée, pour légaliser le développement à grande échelle d’un centre de loisirs sur Iera Odos.
[10] On ne peut pas ne pas mentionner ici l’implication décisive du Conseil d’État dans l’opposition à la réhabilitation de la rue Panepistimiou (2015) (cf.Σκάγιαννης et al., 2013), qui s’appuie sur une interprétation du cadre législatif qui repose aussi bien sur les contradictions de ce cadre lui-même que sur les divergences de points de vue entre les versions RSA/2011 et RSA/2014, comme nous l’avons présenté plus haut. La seconde version adoptée sapait en la qualifiant d’« intervention » indéfinie ce qui était décrit dans la première version comme « piétonnisation » et « reconstruction urbanistique du centre le long de l’axe de la rue Panepistimiou ».
Référence de la notice
Triantis, L. (2017) Le cadre institutionnel de la planification urbaine du centre d’Athènes : Aspects du Plan stratégique et du Plan régulateur, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/la-planification-urbaine/ , DOI: 10.17902/20971.72
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
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