La religion dans la ville : la coexistence de la diversité religieuse dans l’espace urbain
2017 | Juin
On a considéré que la formation progressive des grands centres urbains faisait obstacle au développement de la foi religieuse, au point de les qualifier de lieux d’incroyance, mais aussi de déserts religieux (MacLeod 2005, 7-8). Malgré la sécularisation qui a eu lieu dans les villes (métropoles) occidentales, et malgré ou du fait de la mondialisation qui en a peut-être été à l’origine, la religion a réussi à maintenir sa présence dans l’espace public, bien qu’affaiblie en termes de force politique. Il se peut que le christianisme, puisque nous parlons de l’Occident, ait perdu son caractère dominant, cependant d’autres religions, de nouveaux mouvements religieux ont émergé, en particulier à partir des années 60, qui ont affecté le caractère religieux des villes occidentales, au point qu’il est aujourd’hui difficile de repérer des sociétés occidentales où une seule religion domine dans l’espace public [1].
Que nous parlions de villes séculières ou postséculières (Beaumont & Baker 2011), la religion a réussi à se maintenir dans l’espace public, quand bien même il s’agit de « formes cachées » (par ex. les espaces de prière informels des Musulmans à Athènes) (Sakellariou 2011). À l’occasion de l’arrivée massive et de la forte présence de l’islam en Occident, on a vu se ranimer les débats sur le retour ou sur la nouvelle visibilité de la religion (Hjelm 2015), mais aussi sur sa place dans l’espace public, l’enjeu principal concernant la construction de mosquées, débats qui ont suscité de nombreuses oppositions et même des affrontements (Allievi 2009), comme ce fut le cas à Athènes également. On considère aujourd’hui, en raison de la forte immigration, que la religion est en mouvement (Oosterbaan 2014, 593) et qu’elle est elle-même en train de changer, au point qu’elle réinvestit l’espace public de façons très diverses, souvent en sortant des églises et des lieux de culte (Becci, Burchardt, Casanova 2013, 8) (par exemple par la distribution de livres et de brochures par les Mormons et les Témoins de Jéhovah au centre d’Athènes, ou par les prières de Musulmans dans des espaces ouverts – Photo 1).
Photo 1: Prière publique de Musulmans, Kato Patisia, 2013
Source: A Sakellariou
Athènes, en tant que métropole européenne, se distingue par son multiconfessionalisme, même si celui-ci n’est pas particulièrement évident. L’objectif de cet article est de présenter avec les moyens disponibles – malgré le manque de données quantitatives – cette diversité religieuse, qui n’est pas nouvelle, puisque de nombreuses communautés religieuses (par exemples celles des Protestants, Israélites, Catholiques, Musulmans) ont existé depuis des siècles dans la capitale grecque malgré la prédominance de la foi orthodoxe.
Carte 1: Emplacement des lieux de cultes des différentes confessions au centre d’Athènes
La domination orthodoxe
Même sans connaître la réalité grecque, on se rend facilement compte que l’espace urbain d’Athènes est dominé par des églises, grandes ou petites, de religion orthodoxe (Carte 2). La présence orthodoxe, sous toutes ses formes (grecque, russe, arménienne) (Photos 2, 3, 4) se trouve incorporée dans le tissu urbain de multiples façons et constitue la forme religieuse dominante, visible par tous.
Carte 2 : Emplacements des églises dans la municipalité d’Athènes
Photos 2, 3 et 4: La cathédrale d’Athènes, l’église orthodoxe russe et l’église orthodoxe arménienne de Neos Kosmos
Source: A Sakellariou
Selon les renseignements fournis par l’archevêché d’Athènes, il y a dans la région d’Athènes, 145 paroisses réparties en 21 arrondissements (Cartes 3 & 4), que l’on peut retrouver dans le détail, avec leur adresse et leur emplacement sur une carte [2]. En plus des églises paroissiales, de toutes petites églises, comme Aghia Dynami, rue Mitropoleos, au sud de l’ancien ministère de l’Éducation, sont dispersées en de nombreux points de la ville. L’archevêché d’Athènes contrôle en outre sept monastères et ermitages, dont certains se trouvent à l’intérieur des limites de la municipalité d’Athènes, ce qui lui permet d’exercer une forme d’ascétisme temporel. Il s’agit là d’un fait particulièrement intéressant compte tenu du fait que la logique des monastères et ermitages était de se trouver loin des grandes villes.
Carte 3 : Les 21 arrondissements et les 145 paroisses du Diocèse d’Athènes
Carte 4 : Les paroisses de la municipalité d’Athènes
À l’intérieur du tissu urbain d’Athènes, de nombreuses églises à valeur historique, de la période byzantine ou ottomane, se trouvent cernées par des rues commerçantes très bruyantes. Un exemple caractéristique en est fourni par l’église de Kapnikaréa, ou selon son nom officiel, l’église de la « Présentation de la Vierge », une église avec des colonnes paléochrétiennes, dont la construction initiale remonte au 11e siècle (construite sur une église plus ancienne du 5e siècle) [3]. L’église en question a risqué au moins deux fois d’être démolie (1834, 1863), mais a finalement conservé sa place dans le tissu urbain de la ville, dont elle constitue désormais un point de rencontre et de référence sur la rue Ermou (Photo 5), rue très commerçante. Datant de la même époque (11e siècle) et présentant une importance architecturale particulière, l’église des Saints-Théodores s’élève sur la place Klafthmonos ; sur la base de fouilles modernes, il semble qu’elle ait été construite par-dessus des tombes de l’’époque romaine (Photo 6).
Photos 5 & 6: L’église de Kapnikaréa et l’église des Saints-Théodores
Source: A Sakellariou
Dans bien des cas, les églises chrétiennes ont été construites sur les ruines de temples et de sanctuaires antiques, ce qui est une pratique courante de toutes les religions quand elles deviennent dominantes aux niveaux social et politique. Cette prédominance s’exprime aussi clairement dans l’espace public, où toute nouvelle religion fait peu à peu disparaître les traces des religions précédentes. D’ailleurs cette opposition voire ces affrontements violents pour des espaces sacrés dans des emplacements communs existe dans de nombreux endroits à travers le monde (Kong and Woods 2016, 20-24). Un exemple de cette logique peut être observé à Athènes dans la petite église d’Aghios Ioannis stin Kolona ou tis Kolonas, rue Evripidou, près de la place Omonia, construite sur un sanctuaire d’Asclépios. Le signe distinctif de cette église est la colonne de style corinthien qui dépasse de son toit (Photo 7).
Photo 7: Aghios Ioannis tis Kolonas
Source: A Sakellariou
La présence catholique
La présence de l’Église catholique à Athènes trouve son origine à l’époque de la quatrième croisade et avec la fondation de l’archevêché catholique en 1205, même si certains soutiennent que des communautés catholiques existaient déjà à partir du 9e siècle. Après la confession orthodoxe, elle constitue la deuxième plus grande communauté chrétienne d’Athènes. Il n’existe pas de statistiques officielles concernant le nombre de catholiques, pour lequel on ne dispose que d’estimations officieuses, selon lesquelles les catholiques grecs seraient environ 50 000, même si à partir des années 90, le nombre total des catholiques a augmenté en raison de l’arrivée de nombreux migrants (surtout de Pologne et des Philippines), si bien qu’aujourd’hui, on estime leur nombre à 250 000 environ [4]. La majorité d’entre eux vit à Athènes ou dans la région de l’Attique, même si, traditionnellement, il existe des communautés de catholiques grecs dans les îles Ioniennes et dans les Cyclades.
Photo 8: Aghios Dionysios des Catholiques
Source: A Sakellariou
Il y a aujourd’hui, à l’intérieur de la municipalité d’Athènes, six églises paroissiales ou chapelles catholiques, tandis que la cathédrale catholique est l’église de saint Dionysios, rue Panepistimiou, construite en 1865 (Photo 8). Tous les dimanches, ainsi que les jours de grandes fêtes, l’église se remplit de nombreux catholiques originaires de différents pays, trait caractéristique du changement de composition de la population qui touche cette communauté depuis une vingtaine d’années. Comme l’Église orthodoxe, l’Église catholique a des monastères, neuf exactement, au centre d’Athènes, mais aussi plusieurs autres dans toute la région de l’Attique (Pirée, Psychiko, Kifissia, etc.). La présence des catholiques est particulièrement sensible dans l’espace public avec ses fondations, ses centres culturels et ses écoles, comme les Ursulines et Léonteios. Il convient encore de mentionner la présence de ceux que l’on appelle Uniates, c’est-à-dire des Grecs orthodoxes qui ont conservé une pleine communion avec le Vatican, qui suivent les dogmes catholiques mais conservent les traditions et le calendrier de l’Église orthodoxe. Cette communauté tire son nom de l’union des deux Églises qui a suivi le synode de Ferrare-Florence (1439) et leur cathédrale se trouve rue Acharnon.
Les Protestants « inconnus »
L’une des communautés religieuses les moins connues d’Athènes, mais aussi dans le reste de la Grèce de façon générale, est celle de l’Église évangélique grecque c’est-à-dire les Protestants. La présence protestante à Athènes et en Grèce a commencé peu après la révolution de 1821, avec les premières missions envoyées principalement de l’Amérique en direction de toute la zone de la Méditerranée orientale et du Moyen Orient. Toutefois le début officiel de l’Église évangélique grecque date de 1858, lorsque Michaïl Kalopothakis édite la revue « Étoile d’Orient ». La première église évangélique grecque a été construite en 1871 et elle continue de fonctionner au même endroit, rue Amalias, en face de la Porte d’Hadrien (Kyriakakis 1985). À l’époque de sa construction, on considérait qu’elle se trouvait à la lisière d’Athènes, car la ville ne s’était pas encore étendue (Photo 9).
Photo 9: La première Église évangélique grecque
Source: A Sakellariou
Les protestants grecs ne sont pas nombreux et si l’on additionne toutes les confessions et tous les dogmes réformés (Baptistes, Pentecôtistes, etc.), on peut estimer leur nombre total à 25 000, la majorité d’entre eux vivant à Athènes. Leur nombre a augmenté en 1922, avec l’arrivée de nombreux réfugiés d’Asie Mineure, où existaient plusieurs communautés évangéliques. En raison de cet afflux et de l’augmentation qui s’en est suivie, on a fondé deux autres Églises, la deuxième et la troisième Églises évangéliques grecques, peu éloignées de la première. La deuxième se trouve à Koukaki (Photo 10), rue Zinni, et la troisième à Neos Kosmos, rue Heldreich. De plus, dans la région d’Athènes et des municipalités voisines, fonctionnent des antennes de la première Église, par exemple dans le quartier d’Exarchia et à Glyfada, mais aussi des Églises autonomes, comme au Pirée.
Photo 10: La deuxième Église évangélique grecque
Source: A Sakellariou
Dans l’espace urbain d’Athènes, et plus particulièrement au centre-ville, on trouve, en plus des églises évangéliques grecques, deux églises protestantes étrangères. Il s’agit de l’église anglicane (Photo 11) de la rue Philellinon, construite entre 1838 et 1843 sur des plans de l’architecte grec Kléanthis, l’architecte danois Hansen s’étant chargé des travaux, et de l’église allemande, rue Sina, d’un style beaucoup plus moderne, dont la construction a commencé en 1831 et qui a été inaugurée en 1934 (Photo 12).
Photos 11 & 12: L’Église anglicane et l’Église allemande
Source: A Sakellariou
La communauté israélite d’Athènes
La communauté israélite d’Athènes est l’une des plus anciennes de la ville : les premières mentions qui en sont faites remontent à l’antiquité, notamment au 1er siècle av. J.-C. Les mentions plus récentes remontent à la période ottomane, tandis que beaucoup de Juifs chassés d’Espagne sont arrivés à Athènes après 1492. Bien que durant la révolution de 1821 la communauté juive d’Athènes se soit dispersée, elle a commencé à se reconstituer après la fondation de l’État grec et fut reconnue en 1889. La présence juive à Athènes a augmenté de façon importante après les guerres balkaniques, avec l’arrivée de nombreux Juifs venant d’Asie Mineure, mais aussi de Salonique. Après la seconde Guerre mondiale, la communauté d’Athènes est devenue la plus grande de Grèce, et elle compte aujourd’hui 3000 personnes environ.
La première synagogue d’Athènes, Etz Hayyim, a été construite en 1904 à la rue Melidoni, dans le quartier du Thisio (Photo 13). En 1935, on a élevé une nouvelle synagogue rue Melidoni n°5, Beth Shalom (Photo 14), qui continue de fonctionner aujourd’hui, alors que tout près de celle-ci se trouve le mémorial de l’Holocauste (Photo 15). Il est intéressant de relever que, avant même la construction de la première synagogue, il existait déjà des lieux de prières informels, dont l’un est mentionné rue Ivis, près de la rue Ermou, ouvert en 1886, tandis que l’on mentionne un autre lieu de prière dans la demeure de la famille Youssouroum, au carrefour des rues Ermou et Karaïskaki.
Photos 13,14 and 15: La synagogue Etz Hayyim, la synagogue Beth Shalom et le mémorial de l’Holocauste
Source: A Sakellariou
La présence des Juifs n’est plus aujourd’hui aussi marquée qu’au 19e et au début du 20e siècles, quand ils se concentraient surtout dans la zone commerçante du centre-ville, dans le quartier qui prit le nom d’« Evreïka » (Quartier juif). L’héritage caractéristique de cette époque, mais aussi de la forte présence des Juifs dans l’espace public est le quartier qui est resté connu sous le nom de Youssouroum. Ce nom provient d’une famille séfarade de Smyrne, à laquelle appartenait Bohor Youssouroum, qui était arrivé à Athènes en 1863. Bohor, tailleur, ouvrit un atelier au carrefour des rues Karaïskaki et Ermou, près du marché aux enchères de l’époque. Comme les gens à cette époque n’avaient pas d’argent, Bohor achetait des vêtements usagés, les transformait et les revendait chaque dimanche au bazar de la place d’Abyssinie [5]. Par la suite, quand ses enfants reprirent l’entreprise, ils étendirent leurs affaires et se mirent à s’occuper d’antiquités, si bien que cette famille devint le noyau de la communauté juive et qu’avec le temps, le nom de la famille fut donné officieusement à toute la zone où se tenait le bazar, malgré le fait que par la suite, beaucoup de magasins d’antiquités se soient ouvert dans le quartier (Adamopoulou & Sakelariou 2003, 13-14).
Bien que la communauté israélite entretienne des espaces culturels, sans compter le Musée juif de la rue Nikis, près de Syntagma, qui abrite des objets très intéressants, sa présence dans l’espace public ne saurait se comparer à celle des confessions chrétiennes du point de vue de leur manifestation visuelle. On pourrait même dire que la présence juive à Athènes, malgré l’existence de lieux historiques et monumentaux, n’est pas assez visible et que par conséquent, elle constitue une espèce de « religiosité cachée ».
Les communautés musulmanes
Des populations musulmanes ont existé dans la région d’Athènes dès l’empire byzantin et tout au long de la domination ottomane. La présence musulmane moderne dans la région d’Athènes peut se ranger en deux catégories principales, les musulmans grecs et les migrants et réfugiés, ou comme on les a appelées, les musulmans de l’ancien et le nouvel Islam (Tsitselikis 2012). Les musulmans grecs proviennent surtout de la minorité de Thrace et se sont peu à peu installés à Athènes, à Gazi (Gazochori) à partir des années 1960, alors que la plus grande augmentation date des années 70. À partir du milieu des années 1980, on observe une seconde vague de migration intérieure dans la même région, mais aussi dans des quartiers voisins (Keramikos, Metaxourgio, Votanikos) (Antoniou 2003). Le deuxième groupe est celui des migrants et réfugiés. Dès les années 1970, mais aussi par la suite, de nombreux Musulmans d’origine arabe, mais aussi africaine (par ex. Égypte, Soudan) sont venus à Athènes, plusieurs pour y poursuivre des études ; c’est pourquoi dès cette époque s’est posée la question, suite à leur demande, de la construction d’une mosquée, soit à Maroussi, soit à Goudhi, projets qui n’ont pas abouti. La présence des Musulmans a augmenté brusquement avec l’ouverture des frontières dans les années 90, mais surtout dans les années 2000, lorsqu’ils ont commencé à arriver en Grèce en plus grand nombre, si bien qu’aujourd’hui on estime ce nombre à 300 000 au moins [6].
Aujourd’hui, la majorité d’entre eux vit au centre d’Athènes, surtout à proximité des stations de l’Elektriko ou du Métro (Kato Patisia, Aghios Nikolaos, place Attikis, Neos Kosmos, etc.), mais également dans d’autres quartiers (par ex. Kypseli), et c’est là que l’on rencontre la plupart des lieux de prière informels. La plupart de ces espaces de culte sont soit illégaux, soit fonctionnent avec des autorisations comme société culturelle, et c’est en tant qu’associations qu’elles entretiennent aussi un espace de prière. Ces lieux sont habituellement situés en sous-sol, ou dans d’anciens garages ou dépôts, à l’exception d’un grand espace à Moschato, qui appartient au Centre culturel gréco-arabe et a été construit dans une ancienne usine avec des fonds privés (Photo 16). On estime ces lieux à une centaine environ pour toute la région de l’Attique, tandis que d’autres estimations font état d’une soixantaine de lieux, considérant que ces dernières années leur nombre a diminué en raison de problèmes économiques (Photo 17).
Photos 16 and 17: La mosquée de Moschato (Centre culturel gréco-arabe) et la mosquée de Neos Kosmos (Union musulmane de Grèce)
Source: A Sakellariou
Il existe également dans l’espace public d’Athènes de nombreux monuments ottomans qui attestent de la présence musulmane. Les plus évidents sont les deux mosquées qui se trouvent dans le centre historique d’Athènes. La mosquée Fethiye, qui se trouve dans l’Agora romaine, a été récemment restaurée pour fonctionner comme lieu d’exposition (Photo 18). Sa construction se situe entre 1668 et 1670, sur les ruines d’une église byzantine du 8e-9e siècle dont nous ignorons le nom. La seconde mosquée est la mosquée surnommée Tzisdaraki ou Tzistaraki (ou Mosquée de la fontaine d’en bas ou du marché d’en bas), à la place de Monastiraki ; elle a été construite en 1759 par le gouverneur ottoman d’Athènes, dont elle prit le nom (Photo 19). Elle fonctionne aujourd’hui comme une annexe du musée d’Art populaire grec. Outre les lieux de prière, la question de la présence des Musulmans dans l’espace public comprend également les prières publiques, notamment en période de ramadan, dans des espaces ouverts (par exemple au stade d’Olympiakos, stade Irinis kai Filias, Propylées de l’université), mais aussi pendant d’autres fêtes, comme la fête des Chiites, l’Achoura. Les Musulmans constituent la deuxième plus grande communauté religieuse, mais ils n’ont pas réussi à prendre dans l’espace public la position qui correspond à leur importance numérique, puisque, malgré leur présence dans l’espace public, ils continuent d’être considérés comme un groupe religieux invisible.
Photos 18 and 19: La mosquée Fethiye et la mosquée de Tzisdaraki
Source: A Sakellariou
Autres communautés religieuses
Outre les religions connues citées précédemment, il existe dans le tissu urbain d’Athènes de nombreuses autres communautés plus petites, anciennes ou récentes. Les Témoins de Jéhovah (Mavroleon 2003, 58-63), par exemple, qui entretiennent plusieurs lieux de réunions, qu’ils appellent les « salles du Royaume » ; ils ont des activités clairement ouvertes sur l’espace public en utilisant des présentoirs avec leurs brochures et leurs publications pour la promotion de leur foi. Ils sont apparus en Grèce au début du 20e siècle, et ils comptent aujourd’hui environ 20 000 membres répartis dans près de 350 églises, dont la plupart se trouvent à Athènes. On trouve également l’Église de Jésus-Christ des Saints du Dernier jour (les Mormons) dont les membres ont fait leur première apparition en Grèce au début du 20e siècle, même si leur mission officielle ne s’est organisée qu’en 1990 ; elle compte aujourd’hui 759 membres [7]. On trouve également des communautés Sikh et Hindouistes qui se sont développées en raison des flux migratoires et qui se situent majoritairement loin du centre d’Athènes (Mégare, Eubée, Béotie, Marathon) (Papageorgiou 2011, Christopoulou 2013). Il y a enfin quelques communautés très diverses, parmi lesquelles ceux qui continuent de pratiquer des rites de la religion grecque antique [8] et qui organisent des manifestations publiques, par exemple au temple de Zeus Olympios ; ou les bouddhistes grecs qui ont fait leur apparition sous une forme plus organisée au milieu des années 70, officiellement reconnus par le ministère de l’Éducation et des Cultes en 2001, et qui comptent 1000 membres environ dans toute la Grèce, avec leurs lieux de culte au centre ville (Photo 20) [9].
Photo 20: Centre bouddhiste d’Athènes
Source: A Sakellariou
Tout cela montre qu’il existe à Athènes une très grande diversité religieuse, dominante et visible, ou cachée et invisible. La religion orthodoxe conserve sa prédominance y compris dans l’espace public, mais il existe d’autres groupes religieux qui y revendiquent leur place, ce qui constitue du point de vue historique, un facteur fondamental d’opposition pacifique ou violente, et qui crée des revendications concurrentes entre les religions. Tout en gardant à l’esprit le débat concernant la nature séculière ou postséculière de la ville d’Athènes, le constat principal est que, sur la plan religieux, l’espace athénien change et changera encore probablement davantage à l’avenir.
[1] J’aimerais remercier tous ceux qui m’ont aidée à préparer le présent article en me fournissant des informations et la possibilité de prendre des photos des espaces religieux, en particulier M. Naïm Elgadour, de l’Union musulmane de Grèce, Mme Taly Meïr et M. Joseph Mizan de la communauté israélite d’Athènes, M. Halid Tribis du Centre culturel gréco-arabe, et M. Giorgos Diakofotakis pour les bouddhistes grecs de la « Voie de diamant ».
[2] http://iaath.gr/enories-iaa et http://iaath.gr/enories-map
[4] http://www.cathecclesia.gr/hellas/
[5] http://www.kathimerini.gr/835870/article/politismos/polh/to-paramy8i-twn-gioysoyroym
[6] https://www.state.gov/documents/organization/256407.pdf
[7] http://www.mormonoi.gr/about
[9] Il existe plusieurs écoles bouddhistes, mais l’une des plus anciennes est celle de la Voie de diamant. http://www.diamondway-buddhism.gr/centers/athens/
Référence de la notice
Sakellariou, A. (2017) La religion dans la ville : la coexistence de la diversité religieuse dans l’espace urbain, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/la-religion-dans-la-ville/ , DOI: 10.17902/20971.73
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Αδαμοπούλου Α και Σακελλαρίου Α (2003) Ο Ελληνικός Εβραϊσμός Σήμερα: Η Ισραηλιτική Κοινότητα της Αθήνας. Πάντειο Πανεπιστήμιο.
- Κυριακάκης Μ (1985) Πρωτοπορεία και Πρωτοπόροι. Αθήνα: Αστήρ της Ανατολής.
- Μαυρολέων Μ (2003) Οι μάρτυρες του Ιεχωβά: Mια κοινωνιοψυχολογική προσέγγιση. Πάντειο Πανεπιστήμιο.
- Παπαγεωργίου Ν (2011) Θρησκεία και μετανάστευση. Η κοινότητα των Σιχ στην Ελλάδα. Θεσσαλονίκη: Κορνηλία Σφακιανάκη.
- Allievi S (2009) Conflicts over mosques in Europe: Policy issues and trends. London: Alliance Publishing Trust.
- Antoniou D (2003) Muslim immigrants in Greece: Religious organization and local responses. Immigrants & Minorities, Taylor & Francis 22(2–3): 155–174.
- Beaumont J and Baker C (eds) (2011) Postsecular cities: Space, theory and practice. London: Continuum.
- Becci I, Burchardt M and Casanova J (eds) (2013) Topographies of faith: Religion in urban spaces. Leiden, Boston: Brill.
- Christopoulou N (2013) ‘Sweet jail’: The Indian community in Greece. Florence. Available from: http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/29506/CARIM-India-2013_44.pdf?sequence=1&isAllowed=y.
- Hjelm T (ed.) (2015) Is God back?: Reconsidering the new visibility of religion. London: Bloomsbury Publishing.
- Kong L and Woods O (2016) Religion and Space: Competition, Conflict and Violence in the Contemporary World. London: Bloomsbury Publishing.
- Mc Leod H (ed.) (2005) European Religion in the Age of Great Cities: 1830-1930. London: Routledge.
- Oosterbaan M (2014) Public religion and urban space in Europe. Social & Cultural Geography 15(6): 591–602.
- Sakellariou A (2011) The ‘invisible’ Islamic community of Athens and the question of the ‘invisible’ Islamic mosque. Journal of Shi’a Islamic Studies 4(1): 71–89.
- Tsitselikis K (2012) Old and New Islam in Greece: From historical minorities to immigrant newcomers. Leiden, Boston: Martinus Nijhoff Publishers.