Les sans-abri : un groupe vulnérable en augmentation
2015 | Déc
Les sans-abri, en tant que groupe de population distinct, ont fait leur apparition au centre d’Athènes à la fin des années 80. Ils présentent de nombreuses différences avec les « nécessiteux » mendiant généralement au centre-ville que l’on connaissait jusqu’alors. Il s’agit grosso modo d’un groupe de population non homogène qui compte non seulement des hommes adultes, mais aussi des jeunes, des femmes, et même des enfants, avec un niveau de formation très variable, et qui ne se limite pas aux marginaux qui faisaient traditionnellement l’objet d’une exclusion sociale.
Le trait distinctif qui les unit est qu’ils se trouvent en marge de la société, et ont suivi différents parcours avant d’en arriver à ne plus pouvoir s’assurer un accès à un logement régulier. Parmi les autres traits caractéristiques, on trouve d’une part la difficulté évidente à s’assurer un emploi stable, d’autre part l’absence de ressentiment envers l’État ou les autres habitants de la ville pour ce qui est de leur situation très particulière. Le manque de logement s’accompagne très souvent de problèmes de santé, chroniques ou non, aggravés par la difficulté à accéder aux services publics de soin.
On trouve aussi parmi les sans-abri des gens qui se sont retrouvés à Athènes à la recherche d’un emploi, sans succès, ainsi que des migrants qui doivent faire face à de terribles problèmes notamment au début de leur séjour ou établissement dans le pays. Un nombre important de sans-abri sont d’anciens ou d’actuels consommateurs de drogues confrontés à la difficulté de trouver un emploi stable ; on y trouve aussi des personnes sortant de prison ou d’une institution en général, dont certains –par exemple les jeunes contraints de quitter les orphelinats en raison de leur âge– n’étaient jamais complètement intégrés d’un point de vue social ou en termes de logement. Quant à la présente crise économique, nous avons des indices sérieux que le nombre de gens qui perdent leur logement en raison du chômage est en augmentation, même si ce phénomène n’a pas encore été étudié systématiquement. Néanmoins, selon une étude récente sur l’ampleur des expulsions des résidences primaires au cours des cinq dernières années, on ne relève pas de sans-abri ayant perdu leur logement pour n’avoir pas payé leurs traites immobilières, alors qu’au contraire le nombre des personnes expulsées de logements loués présente une augmentation importante, malgré une nette tendance à la baisse pour 2014.
Selon la définition fonctionnelle du sans-abri que donne la FEANTSA (Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri), on peut considérer comme sans-abri non seulement celui qui vit exclusivement dans la rue, puisque le fait de ne pas disposer d’un logement peut résulter de quatre éléments distincts : le manque total ne serait-ce que d’un logement élémentaire (impossibilité de logement physique), l’incapacité d’avoir une vie sociale (impossibilité de logement social), conditions de logement précaires du point de vue légal (impossibilité de logement légal) et conditions de logement précaires pour des raisons techniques (impossibilité de logement technique). La deuxième catégorie regroupe toutes les formes de logement collectif, de foyers du troisième âge, de refuges pour femmes battues, etc., tandis que les deux dernières incluent de nombreux représentants des communautés Roms qui habitent des lieux qui ne leur appartiennent pas ou des baraques improvisées.
Les sans-abri ont tendance à se rassembler et à circuler dans l’espace public qui se trouve à la lisière du centre, spécialement dans les quartiers pauvres. Ils y trouvent des bâtiments abandonnés qu’ils peuvent utiliser pour passer la nuit, mais aussi la possibilité de trouver un petit job occasionnel. C’est aussi dans cette zone que l’on trouve les services de l’administration centrale ou locale. Les services les plus importants auxquels ont recours les sans-abri sont principalement les refuges du ministère et de la municipalité, les dispensaires, les centres de jour –comme le Centre d’accueil pour SDF de la municipalité d’Athènes (ΚΥΑDΑ ) rue Pireos– ainsi que d’autres espaces où ils reçoivent de la nourriture. Il semble que les espaces organisés où l’on peut trouver du travail sont des pôles d’attraction moins importants pour les sans-abri. Cette tendance renforce la concentration des sans-abri dans des quartiers comme la place Koumoundourou, Votanikos, Metaxourgio, etc. Quant au genre d’espace public que préfèrent s’approprier les sans-abri, il doit répondre à plusieurs critères, comme la tranquillité, la sécurité, la chaleur en hiver, la proximité avec les transports publics, la nécessité de mettre en sûreté leurs maigres biens durant la journée, etc. C’est pourquoi les endroits préférés sont les bancs publics, ou les pelouses dans les parcs ou les îlots directionnels, les trottoirs larges, en particulier les renfoncements de façade ou les espaces verts devant les bâtiments. Relevons que pour la première fois en hiver 2014-15 à l’initiative de la Région Attique, on a publié une information sur les lieux chauffés en Attique qui pourraient être utilisés comme refuges pour les sans-abri de la région.
Comme nous l’avons dit plus haut, la crise économique actuelle a augmenté les taux de chômage, amplifiant le phénomène de perte de logement, qui a entraîné l’apparition de sans-abri supplémentaires dans les espaces publics de la ville. L’image globale négative est encore accentuée par l’absence d’un canevas satisfaisant de politiques pour l’intégration normale des sans-abri dans le monde du travail, dans le marché du logement et plus généralement dans la société. Il existe par conséquent un besoin urgent d’élaborer et de réaliser des politiques ciblées non seulement pour prévenir le phénomène de manque de logements, mais aussi pour aider la population qui en est victime.
Référence de la notice
Sapounakis, A. (2015) Les sans-abri : un groupe vulnérable en augmentation, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/les-sans-abri/ , DOI: 10.17902/20971.3
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Sapounakis A (2001) Homelessness in a Mediterranean country: The case of Greece. Contributions in Sociology, Greenwood Press 135: 119–135.