Bâtiments abandonnés et magasins vacants : Aspect spatial de la crise
2015 | Déc
Le petit et moyen commerce local dans beaucoup de quartiers périphériques et centraux de la ville (notamment à Athènes) est l’un des secteurs les plus touchés par la crise économique après 2010.
Les études des associations de commerçants et les communiqués de l’Office hellénique de la Statistique (ELSTAT) montrent une récession en augmentation de l’activité commerciale à Athènes et au Pirée, qui se traduit principalement par l’augmentation progressive du nombre des magasins fermés et par la chute continue de leur chiffre d’affaires. Cette image est également véhiculée par des articles de presse, souvent avec des chiffres gonflés, qui présentent les centres commerciaux de ces deux villes comme des « zones sinistrées ». Les interprétations de cette crise, dans la première phase à partir de 2010, se sont appuyées dans une large mesure sur des conceptions stéréotypées dominantes qui attribuaient la récession à l’augmentation de la délinquance, au manque de sécurité, à la présence de marchands ambulants immigrés et aux manifestations politiques.
L’abandon, qui ne date pas d’hier, de l’espace public au centre de la capitale, après le dernier aménagement spectaculaire de 2004, ainsi que l’explosion puis la chute du marché immobilier avec ses conséquences, ont abouti à vider un immense parc immobilier et créé des « trous noirs » dans des zones urbaines centrales. Le tout se combinant avec la dévalorisation durable et l’abandon des bâtiments historiques déjà abandonnés depuis les époques précédentes.
L’étude et le recensement systématique du phénomène des magasins fermés dans certaines zones caractéristiques des quartiers et des rues du centre d’Athènes et du Pirée permettent une description détaillée et complexe des tendances à leur réduction, qui corresponde à la réalité. Cela permet par conséquent de faire ressortir des variations importantes selon la nature de l’activité commerciale, la géographie et l’intensité du phénomène. Les données permettent de se focaliser (2010-2013) sur certains secteurs de Kypseli, de la place Vathis, de Metaxourgio, d’Exarchia, de Koukaki et du centre du Pirée.
L’image fait apparaître une variation intéressante. On observe de façon générale, un immense parc immobilier de magasins vides oscillant entre 25% et 50%. Deux genres de commerce font preuve de résilience : le commerce de gros tenu par des migrants, qui tire de façon positive le commerce local voisin des autochtones, ainsi que le commerce populaire bon marché. Au contraire, les magasins situés dans des rues chères, les boutiques de vêtements, d’articles de luxe, les magasins de voiture, etc., qui s’étaient développés à l’époque florissante des années 2000-2004 ont dans leur majorité disparu. On observe également des variations selon le type de magasins entre les rues centrales et les rues secondaires.
Kypseli
Carte 1 : Kypseli (rues Drosopoulou, Aghias Zonis, Kyprou) – Catégories de magasins
Source :Γλένη et al (2013)
Les magasins fermés dans les rues commerciales du centre de Kypseli (données 2013) représentent 40% de l’ensemble des magasins, chiffre très proche des pourcentages les plus élevés de « rideaux baissés » que l’on a enregistrés pour le centre commerçant d’Athènes. Les différentes catégories de magasins sont affectées dans les mêmes proportions, tandis que du point de vue géographique, les magasins vides sont moins nombreux dans la rue piétonne centrale d’Aghias Zonis et sur l’axe commercial principal de la rue Drosopoulou que dans les rues commerçantes secondaires.
La contribution des migrants est un élément important pour l’activité commerciale de Kypseli : elle oscille entre 10% dans la rue Aghias Zonis et 25% pour la rue Drosopoulou. Parmi les magasins fermés, on observe que magasins de migrants et magasins d’autochtones sont affectés de la même façon, dans une proportion qui va de 25% à 35%, selon leur emplacement.
Place Vathis – place Aghiou Pavlou
Dans le quartier de la place Vathis et de la place Aghiou Pavlou, la présence de magasins vides est visible dans toute la région (données 2013). Cette image, à laquelle s’ajoutent les bâtiments néoclassiques abandonnés, les étages de bureaux ou d’appartements vides et les terrains vagues, crée par endroit une sensation de désertification. Ce phénomène est encore plus sensible si l’on y ajoute des bâtiments entiers qui sont vides, anciens hôtels ou immeubles locatifs à plusieurs étages.
Ce quartier néanmoins conserve dans une large mesure sa plurifonctionnalité. On trouve des logements dans une grande partie du quartier, ainsi qu’une activité commerciale intense, en particulier sur des axes centraux et autour de la place Aghiou Pavlou.
Metaxourgio
Carte 2: Metaxourgio (rues Meg. Alexandrou, Agesilaou, Keramikou) – Catégories de magasins
Source : Γλένη et al (2013)
Dans les rues commerçantes centrales de Metaxourgio (données 2013), le pourcentage des magasins vides est inférieur à la moyenne enregistrée au centre d’Athènes : elle s’établit à 23%. Le pourcentage le plus faible de magasins fermés se trouve à la rue Agesilaou, qui concentre le plus gros volume du commerce, essentiellement de gros, une activité qui offre la plus grande résilience, même si elle ne s’est installée dans le quartier que depuis une quinzaine d’années.
Dans le cas de Metaxourgio, on trouve avant tout, avec quelques variations géographiques, des commerces tenus par des migrants. La majorité des magasins se localisent dans les rues Kolokynthous et Agesilaou. Dans ces deux rues, les commerçants chinois s’adonnent principalement au commerce de gros, entraînant dans leur sillage depuis 2009 une quarantaine d’entreprises du même genre tenues par des Grecs.
Exarchia
Carte 3: Exarchia – Magasins et bâtiments fermés
Source : Recensement effectué en janvier-février 2012, dans le cadre du cours Urbanisme I : Approche analytique de l’espace urbain (5e semestre – Département d’architecture, École polytechnique Metsovio). Prof. Nikos Belavilas – Assist.: Polina Prentou, Iris Polyzou.
Carte 4: Exarchia (rues Stournari, Emm. Benaki, Eresou) – Catégories de magasins
Source : Γλένη et al (2013)
Dans le quartier d’Exarchia, on trouve (données 2012) 453 magasins fermés en rez-de-chaussée, 86 bâtiments vides, surtout à un ou deux niveaux, et 21 terrains vagues. Les bâtiments fermés ou en ruines, en majorité des habitations néoclassiques, sont les traces de la crise précédente ou sont dus à d’autres causes, sans être directement liés à la crise actuelle. Le recensement mis à jour en 2013 relève 467 magasins fermés, surtout dans les rues commerçantes du quartier.
Selon le recensement des magasins fermés, ceux-ci se montent à 43% environ de l’ensemble. Les différentes catégories de magasins sont affectées de façon égale, tandis que les « rideaux baissés » sont moins nombreux dans les rues plus centrales. Les pourcentages des magasins fermés à Exarchia sont identiques à ceux d’autres rues ou quartiers commerçants du centre d’Athènes, déstabilisant ainsi les discours dominants sur le quartier comme « centre de troubles et de délinquance ».
Le recensement montre de plus que les magasins de commerce supralocal ou spécialisé (livre, édition, musique, dessin), caractéristiques du quartier, vont en diminuant, mais continuent d’avoir une présence importante.
Koukaki
Carte 5: Koukaki/Fix – Magasins et bâtiments fermés
Source : Sofia Theodoraki, Katerina Fafouti. Recensement effectué en novembre 2011, dans le cadre du travail de diplôme « Koukaki : Réhabilitations de l’espace urbain à ciel ouvert ». Prof. Nikos Belavilas, Giorgos Haïdopoulos.
Koukaki est l’un des quartiers d’Athènes qui ne présentent pas les traits caractéristiques liés à la dégradation du centre. Ce quartier jouit d’un bon accès par les transports publics (tram, métro et bus), il se trouve au contact de la zone archéologique, de l’odéon d’Hérode Atticus et du musée de l’Acropole.
Néanmoins, on enregistre (en 2011) sur l’ensemble du quartier de Koukaki 375 locaux vides en rez-de-chaussée et 156 bâtiments inutilisés. Les locaux vides (rez-de-chaussée et bâtiments) se concentrent dans les rues plus commerciales du quartier, avec des pourcentages entre 30 et 45 %. Il est significatif que le long de l’artère centrale de l’avenue Syngrou, où l’on trouve des immeubles de bureaux et d’entreprises à plusieurs étages, le rez-de-chaussée de 54% des bâtiments est vacant, tandis que 29% des bâtiments sont complètement vides ou à peine utilisés. Cet effondrement est dû en partie à l’effondrement du marché automobile, qui était particulièrement florissant le long de l’avenue Syngrou.
Centre du Pirée
Carte 6: Le Pirée – Magasins fermés
Source : Viviane Gleni. Recensement effectué en juin 2012 dans le cadre du travail de diplôme de 3e cycle « Sur les traces de la crise dans la ville du Pirée », Programme interdisciplinaire de troisième cycle « Urbanisme – aménagement du territoire », Département d’architecture, École polytechnique Metsovio. Dir. Dina Vaïou.
Carte 7 : Le Pirée (rues Sotiros Dios, Praxitelous, Tsamadou) – Catégories de magasins
Source : Γλένη et al (2013)
Au centre du Pirée, on relève 315 magasins fermés (données 2012). Dans les rues commerçantes du centre, ils représentent 16% de l’ensemble, pourcentage beaucoup plus bas que ceux des quartiers du centre d’Athènes. On observe que les différentes catégories de magasins sont affectées de la même façon, tandis que du point de vue géographique, les magasins fermés sont moins nombreux le long des axes commerciaux mieux centrés.
Dans le cas du centre du Pirée, on observe que le commerce bon marché « traditionnel » résiste bien, contrairement au commerce plus cher de l’habillement et des articles de luxe qui s’y était développé dans les années 2000-2004. Les magasins de détail (habillement) reculent, tandis que s’étendent les établissements de restauration et de loisirs.
Référence de la notice
Belavilas, N., Prentou, P. (2015) Bâtiments abandonnés et magasins vacants : Aspect spatial de la crise, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/magasins-fermes/ , DOI: 10.17902/20971.11
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Γλένη Β, Μπαλαμπανίδης Δ, Μπελαβίλας Ν, κ.ά. (2013) Επιπτώσεις της κρίσης στην εμπορική δραστηριότητα κεντρικών περιοχών Αθήνας και Πειραιά. Αντιστάσεις και δυναμικές. Στο: Μεταβολές και ανασημασιοδοτήσεις του χώρου στην Ελλάδα της κρίσης, Βόλος: Πανεπιστημιακές εκδόσεις Θεσσαλίας, σσ 102–109.
- ΕΣΕΕ-ΙΝΕΜΥ (2012) Απογραφή του εμπορικού κέντρου της Αθήνας και καταγραφή των λουκέτων στα πλαίσια της ΓΕΩΒΑΣΗΣ. Αθήνα. Available from: http://www.inemy.gr/Portals/0/Gewvasi/Louketa/1.ereuna_louketa_athina_septevrios_2012 -.pdf.
- ΕΣΠ (2011) Ετήσιες έρευνες Εμπορικού Συλλόγου Πειραιά 2007-2011. Πειραιάς.
- Τράτσα Μ (2013) Αντέχει το εμπόριο στις λαϊκές γειτονιές. Το Βήμα, Αθήνα, 12ο Μάιος. Available from: http://www.tovima.gr/society/article/?aid=512119.