Maroussi. L'évolution de sa physionomie sociale et démographique au cours des dernières décennies
2022 | Déc
L’intégration dans le tissu urbain
Maroussi est une localité de l’Attique dont l’histoire remonte à l’antique Athmonon (Μουρουγκλού 2010). Du dernier quart du XIXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Maroussi était une localité indépendante, située dans la partie nord du bassin de l’Attique, comme le montre la carte 1 [1]. Comme on peut le voir sur cette même carte, Maroussi s’est progressivement intégrée au tissu urbain de l’agglomération, notamment à partir des années 1970.
Carte 1 : Expansion graduelle du tissu urbain en Attique et insertion de Maroussi
Source: Αβδελίδη (2000: 30)
La rapide progression du niveau éducatif des habitants
L’évolution de la physionomie sociale de Maroussi a suivi le mouvement général de mobilité sociale ascendante qui a caractérisé l’agglomération dans son ensemble et s’est révélée particulièrement dynamique dans la période d’après-guerre. La progression de la population de Maroussi semble toutefois avoir été plus prononcée que celle de l’agglomération athénienne en général, comme le montre son positionnement relatif sur les cartes 2 et 3. Sur la carte 2, qui présente les communes du bassin urbain en fonction de leur pourcentage d’habitants analphabètes en 1961, Maroussi se situe dans la catégorie intermédiaire, entre le centre et son pourtour immédiat, où les habitants sont les plus instruits, et les zones périphériques du bassin – surtout la partie ouest – où le taux d’analphabétisme était le plus élevé. Cette image change complètement en 2011 comme le montrent la carte 3 et le tableau 1, où les municipalités de l’Attique sont distribuées en fonction du pourcentage de leurs résidents adultes ayant un faible niveau éducatif (jusqu’à neuf ans de scolarité [durée obligatoire]). Maroussi figure désormais parmi les zones présentant la plus faible concentration de résidents ayant un faible niveau d’instruction.Carte 2 : Taux d’analphabétisme dans la population des communes du bassin de l’Attique, 1961
Source: Μαλούτας (2018: 103)
Carte 3 : Pourcentage d’habitants ayant un faible niveau éducatif (jusqu’à l’âge de la scolarité obligatoire) en Attique, 2011
Source des données : ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Tableau 1 : Pourcentage d’habitants ayant un faible niveau éducatif (jusqu’à l’âge de la scolarité obligatoire) dans un échantillon de communes de l’Attique, 2011
Source des données : ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
L’évolution de la structure d’âge
La structure d’âge dans l’ensemble de la Région de l’Attique, ainsi que dans l’ensemble du pays, a changé de manière significative au cours de la période 1991-2011. Le principal élément de ce changement a été la diminution du pourcentage d’enfants (0 à 14 ans) et l’augmentation du pourcentage de personnes âgées (65 ans et plus). À Maroussi, par rapport à l’ensemble de la Région, la progression du pourcentage d’enfants s’est réduite pour se rapprocher de celle de la Région et dans même temps, le pourcentage de personnes âgées, qui était plus faible, a dépassé la moyenne régionale (Tableau 2).
Tableau 2 : Pourcentage d’enfants (0-14 ans) et de personnes âgées (65 ans et plus) dans l’ensemble de la population, 1991 et 2011
Source des données : ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Les deux graphiques suivants (1 et 2) montrent l’évolution du profil d’âge d’un échantillon de municipalités de la région de l’Attique, en comparaison à l’ensemble de la Région. Ces diagrammes présentent le quotient de localisation (QL), qui est la fraction du pourcentage de la catégorie d’âge de référence dans chaque municipalité divisée par la fraction correspondante dans l’ensemble de la Région. Ainsi, par exemple, un QL avec une valeur de 1,2 pour les 0-14 ans dans la municipalité X signifie que dans cette municipalité X, la part des 0-14 ans est 1,2 fois supérieure à la part de cette catégorie dans l’ensemble de la Région. Le graphique 1 montre qu’au cours de la période 1991-2011, dans la municipalité de Maroussi – ainsi que dans des municipalités limitrophes, mais aussi dans certaines municipalités de l’ouest de l’agglomération – la proportion d’enfants a diminué et s’est rapprochée de la moyenne de la région de l’Attique. En revanche, la proportion d’enfants a augmenté dans les municipalités situées aux extrêmes en termes de composition de classe de leurs populations (Filothei-Psychiko et Kifissia d’une part et Aspropyrgos d’autre part). Le graphique 2 révèle que le vieillissement est une caractéristique générale de la plupart des municipalités de la région, à l’exception de la municipalité d’Athènes – en raison de l’afflux important de jeunes immigrés et du départ de personnes d’âge moyen ou élevé – et de certaines municipalités présentant des caractéristiques particulières, comme Aspropyrgos.
Graphique 1 : Quotient de localisation (QL) de la classe d’âge 0-14 ans dans un échantillon de communes de l’Attique, 1991 et 2011
Source des données : ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Graphique 2 : Quotient de localisation (QL) de la classe d’âge 65 ans et plus dans un échantillon de communes de l’Attique, 1991 et 2011
Source des données : ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
La structure d’âge d’une région donnée ne se retrouve pas nécessairement dans l’ensemble de son territoire. À Maroussi, les classes d’âge les plus jeunes (0-14 ans) sont principalement concentrées dans les zones nouvellement construites du sud de la municipalité et accessoirement à l’est (vers Melissia et Vrilissia), tandis que les personnes âgées sont clairement concentrées dans le noyau originel du nord de la localité, en limite de Kifissia et de Pefki (cartes 5-6 et 7-8).
Cartes 4-5 : Taux de concentration de la classe d’âge 0-14 ans au sein de la municipalité de Maroussi par UnAnU [2], 1991 et 2011
Cartes 6-7: Taux de concentration de la classe d’âge 65 ans et plus au sein de la municipalité de Maroussi par UnAnU , 1991 et 2011
Source des données: ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
L’évolution de la structure sociale
Comme le montre l’évolution du niveau éducatif de ses habitants entre 1961 et 2011, évoquée au début de ce texte, Maroussi est passée du milieu de la stratification sociale des municipalités de l’Attique, où elle se trouvait en 1961, aux rangs les plus élevées en 1991 et encore plus en 2011. Ce changement devient plus clair si l’on considère les changements dans la composition socioprofessionnelle de sa population.
Si nous nous concentrons sur les catégories socioprofessionnelles extrêmes – professions libérales (comme les médecins, avocats, ingénieurs) et cadres supérieurs d’une part, et les différentes catégories d’ouvriers d’autre part – nous constatons qu’au cours des dernières décennies, Athènes a connu une expansion significative du pôle socioprofessionnel supérieur et une contraction du pôle inférieur (Μαλούτας 2018, 80). Maroussi est l’une des zones de l’agglomération où ces changements ont été particulièrement marqués, tant en termes d’élargissement du pôle supérieur que de contraction du pôle inférieur (Graphiques 3 et 4).
Graphique 3 : Pourcentage des professions libérales et des cadres supérieurs dans la population active d’un échantillon de municipalités de l’Attique, 1971, 1991 et 2011
Source des données: ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Graphique 4 : Pourcentage des ouvriers dans la population active d’un échantillon de municipalités de l’Attique, 1971, 1991 et 2011
Source des données: ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Les changements entre 1971 et 2011 ont été particulièrement importants. Dans l’ensemble de la Région de l’Attique, les professions libérales et les cadres supérieurs ont plus que triplé (de 11 % à 37 %). A Maroussi en revanche, cette augmentation a été beaucoup plus importante : de 10,6 % à 55,4 %. Les municipalités limitrophes ayant une structure sociale similaire, comme Aghia Paraskevi et Chalandri, ont connu une trajectoire similaire. Les municipalités dans lesquelles ces catégories affichaient traditionnellement les taux les plus élevés – comme Psychiko et Filothei – ont atteint des taux encore plus élevés en 2011 (environ 70 %), mais en partant de taux déjà élevés en 1971 (environ 35 %). On assiste donc durant cette période à une convergence de Maroussi avec les pôles traditionnels de concentration des catégories socioprofessionnelles les plus élevées.
En ce qui concerne les catégories ouvrières, Maroussi – et d’autres municipalités limitrophes ayant une structure et une évolution sociales similaires – a perdu environ les quatre cinquièmes en pourcentage entre 1971 et 2011 (de 49% à 14,4%). La convergence avec les banlieues où les couches sociales les plus élevées se trouvaient traditionnellement concentrées, pour ce qui est de ce pôle socioprofessionnel, est encore plus forte que pour le pôle supérieur, puisqu’en 2011 la part des catégories ouvrières est presque identique (environ 15%). Cette convergence est le résultat de la forte diminution de la part des ouvriers à Maroussi (et dans les communes voisines à structure similaire) et, dans le même temps, de son augmentation dans les banlieues où se concentraient traditionnellement les catégories socioprofessionnelles supérieures entre 1971 et 2011. Dans le premier cas, il s’agit d’une augmentation rapide du pourcentage des couches moyennes à intermédiaires supérieures dans les banlieues socialement mixtes, tandis que dans le second cas, il s’agit du maintien à l’état pur du caractère de classe des zones de forte concentration de catégories sociales élevées, où la progression des ouvriers est principalement due à la demande accrue de main-d’œuvre non qualifiée – souvent immigrée – dans les services d’aide domestique.
L’ascension de Maroussi dans la hiérarchie sociale des zones résidentielles de la métropole athénienne n’est pas seulement le résultat de son attrait en tant que secteur résidentiel pour les classes moyennes supérieures, mais aussi de son rôle en tant que bassin d’emploi. L’expansion linéaire du centre d’Athènes a affecté les municipalités situées sur les grands axes routiers, comme les avenues Kifissia et Syngrou. Maroussi a probablement été plus impactée que les autres municipalités concernées, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. D’un point de vue quantitatif, elle était devenue en 2011 le troisième bassin d’emploi en Attique, après les municipalités d’Athènes et du Pirée (tableau 3).
Tableau 3 : Taille des bassins d’emploi par municipalité en Attique en 2011 (les 11 premières sont citées)
Source des données: ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
En ce qui concerne la dimension qualitative, le bassin d’emploi de Maroussi concentre aujourd’hui un nombre important d’emplois supérieurs dans la Région de l’Attique, et rayonne sur des municipalités limitrophes auxquelles ce marché de l’emploi s’étend. Le tableau 4 expose les bassins d’emploi de l’Attique présentant la plus forte concentration de catégories socioprofessionnelles élevées (professions libérales et cadres supérieurs). Dans ce tableau, Maroussi occupe la première place, suivie de cinq municipalités limitrophes (Chalandri, Penteli, Agia Paraskevi, Vrilissia et Filothei-Psychiko) sur lesquelles s’étend désormais un large bassin d’emploi présentant des caractéristiques similaires, avec pour centre Maroussi.
Tableau 4 : Pourcentage des professions libérales et des cadres par municipalité de l’Attique, 2011 (le 9 premiers sont cités)
Source des données: ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015)
Autre caractéristique qualitative du bassin d’emploi de Maroussi : le très faible pourcentage d’ouvriers (30,6%), le plus bas parmi toutes les municipalités de la région de l’Attique.
Les évolutions de la structure sociale de Maroussi résumées plus haut se retrouvent sur les cartes 9 et 10, qui présentent la typologie sociale des zones résidentielles de l’Attique en fonction de la composition socioprofessionnelle de leurs populations (Maloutas 2018, 120-121). Au cours des deux décennies considérées (1991-2011), Maroussi et ses environs semblent passer sous la « domination » des couches moyennes et, surtout, des couches intermédiaires supérieures, dans le sens de leur surreprésentation au sein de la population. À Maroussi, les quelques zones où les catégories ouvrières étaient surreprésentées ont été éliminées, tandis qu’une évolution similaire peut être observée dans les municipalités limitrophes et proches vers l’ouest (Pefki, Héraklion et Lykovrysi).
Carte 8 : Typologie sociale des zones résidentielles de la métropole athénienne, UnAnU , 1991
Source: Μαλούτας (2018: 121)
Carte 9 : Typologie sociale des zones résidentielles de la métropole athénienne, UnAnU , 2011
Source: Μαλούτας (2018: 120)
On peut conclure qu’au cours des dernières décennies, Maroussi a changé tant en termes de structure d’âge que de composition sociale. En termes de classes d’âge, Maroussi a suivi la tendance générale de la Région de l’Attique, avec une diminution de la proportion d’enfants (0-14 ans) et une augmentation de la proportion de personnes âgées (65 ans et plus). En revanche, elle a suivi cette tendance avec des rythmes plus rapides en ce qui concerne ces deux classes d’âge. Le changement de structure sociale de la municipalité a été particulièrement marqué au cours de la même période. Maroussi a gagné plusieurs places dans la hiérarchie sociale des zones résidentielles de l’Attique et s’est sensiblement rapprochée du sommet de la hiérarchie, qui comprend les banlieues où les catégories socioprofessionnelles sont traditionnellement les plus élevées. Cette évolution de Maroussi est due à trois raisons principales : (1) A l’important mouvement des classes moyennes et intermédiaires-supérieures du centre vers les banlieues depuis la fin des années 1970. (2) Au fait qu’il s’agissait d’une zone relativement peu densément peuplée (de même pour d’importantes parties des municipalités situées à l’est et à l’ouest de Maroussi) où pouvaient s’étendre les zones assez saturées et très coûteuses où se concentraient traditionnellement les classes supérieures, et qui voisinent directement avec elle au sud (Filothei-Psychiko) et au nord (Kifissia). (3) Au développement rapide du bassin d’emploi local et à la nature sociale des emplois que celui-ci peut offrir, et qui a renforcé l’attrait de Maroussi en tant qu’espace résidentiel pour la main-d’œuvre hautement qualifiée et bien rémunérée qui trouve à s’employer dans le secteur.
[1] Cette carte a été réalisée par Kallistheni Avdelidi (2000) et illustre l’expansion progressive du tissu urbain de l’Attique à partir de cartes imprimées de l’espace bâti de l’Attique à différentes époques entre 1875 et 1995.
[2] Unité d’analyse urbaine. Il s’agit d’une unité spatiale subdivisant le tissu des grandes villes grecques, établie sur la base des districts de recensement d’ELSTAT. Les UnAnU sont des unités spatiales rassemblant une population de 1 200 personnes.
Référence de la notice
Maloutas, Th. (2022) Maroussi. L’évolution de sa physionomie sociale et démographique au cours des dernières décennies, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/maroussi/ , DOI: 10.17902/20971.106
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Αβδελίδη, Καλλισθένη (2000) Οι διαδοχικές επεκτάσεις του ιστού της Αθήνας, στο Μαλούτας Θ (επιμ.) Κοινωνικός και Οικονομικός Άτλας της Ελλάδας: Οι Πόλεις, Αθήνα – Βόλος: ΕΚΚΕ – Πανεπιστημιακές Εκδόσεις Θεσσαλίας, σ. 30-31.
- ΕΚΚΕ-ΕΛΣΤΑΤ (2015) Πανόραμα Απογραφικών Δεδομένων 1991-2011. Διαδικτυακή εφαρμογή πρόσβασης και επεξεργασίας απογραφικών δεδομένων (https://panorama.statistics.gr/).
- Μαλούτας, Θωμάς (2018) Η Κοινωνική Γεωγραφία της Αθήνας. Κοινωνικές ομάδες και δομημένο περιβάλλον σε μια νοτιοευρωπαϊκή μητρόπολη, Αθήνα: Αλεξάνδρεια.Μουρουγκλού, Άννα (2010) Αμαρούσιον. Όψεις της ιστορίας, της πόλης και του δήμου. Μαρούσι: Αλέξανδρος Ε.Π.Ε.