Politique sociale et services d’aide au logement à Athènes
2019 | Mar
Cet article a pour objectif de cartographier les principaux services de logement et d’assistance sociale aux sans-abris à Athènes. La capitale du pays semble subir le poids principal de ce problème social(Δημουλάς, κ.α. 2018: 5). Pour résumer, on peut distinguer dans la bibliographie internationale quatre différentes formes d’aide au logement correspondant à quatre différents moments d’apparition du phénomène du sans-abrisme. Il s’agit des services de prévention du manque de logement, des services d’urgence, des services d’hébergement provisoire, et des services d’insertion sociale (Kourachanis, 2015: 114). Les politiques sociales pour les sans-abri à Athènes se sont caractérisées au fil du temps par leur fragmentation, leur discontinuité, l’absence de coordination centralisée, ainsi que par la domination d’un esprit de gestion philanthropique (Arapoglou, 2004). Les services d’urgence ont dominé comme forme d’assistance sociale dans ce cadre socialement inadapté (Κουραχάνης, 2017).
Au cours de la crise économique, une série d’évolutions défavorables [see Arapoglou and Gounis, (2017), Κουραχάνης, (2017)] donnent à penser que les données actuelles du problème accusent une importante aggravation [1]. Ceci se reflète principalement dans le cas d’Athènes (Arapoglou and Gounis, 2015). Cette situation rend désormais obligatoire la mise en place de mesures plus vastes pour y faire face. Mais à l’inverse de cette nécessité, l’aggravation des problèmes sociaux au cours des huit dernières années s’accompagne de coupes profondes dans le système de protection sociale, du fait des politiques d’austérité. De cette conjoncture résulte une contradiction intrinsèque : à l’heure où de sérieuses indications d’une augmentation du nombre de sans-abri existent, les politiques sociales sont affaiblies ou se trouvent exclusivement mobilisées dans la gestion des phénomènes publiquement visibles (Κουραχάνης, 2017).
Pour être plus précis, le cadre des politiques de prévention d’avant la crise, déjà chétif, est devenu encore plus maigre. De plus, les politiques d’hébergement provisoire tiennent en un ensemble obsolète et insuffisant de foyers sociaux. Ensemble qui n’est pas lié de façon efficace aux autres services sociaux. Une palette structurée de politiques d’inclusion sociale n’existe toujours pas. Et ceci dans une période où de manière plus générale, les politiques d’inclusion sociale sont déréglementées. Le seul domaine dans lequel une certaine mobilisation peut être relevée est celui de la gestion d’urgence. Il s’agit de ce que l’on appelle les « services d’urgence ». La crise consolide donc un modèle basé sur une intervention sociale résiduelle centrée sur la gestion de l’urgence. Ce modèle, dans sa forme la plus courante, est financé par des fonds européens ou par l’initiative privée, et a pour agent de mise en œuvre la société civile. Le gouvernement central se refuse à prendre en charge la coordination ou la supervision de ces actions (Κουραχάνης, 2018).
Le centre de gravité des services sociaux que nous venons d’évoquer se situe dans la capitale de notre pays. La ville d’Athènes héberge l’essentiel des structures d’aide au logement. Ci-dessous, nous mentionnons les principales caractéristiques des politiques sociales venant en aide aux sans-abris au cours de la crise économique et la manière dont celles-ci s’incarnent dans les actions menées dans la ville d’Athènes. Un tableau récapitulatif classant les différents services sociaux offerts aux sans-abris à Athènes figure à la fin du texte.
Politique sociale et services de prévention du manque de logement à Athènes
Les politiques de prévention renvoient à des initiatives visant à résoudre le problème de manque de logement. Des mesures de ce type peuvent consister en des allocations logement ou des programmes de lutte contre la précarité énergétique (subventionnement de l’électricité et du chauffage). Dans cette catégorie, figurent également les services d’assistance sociale et d’autonomisation des personnes en situation d’insécurité vis-à-vis du logement, afin de permettre leur maintien dans leur logement. Là encore, à ce niveau, sont inclus des services de médiation ayant pour but d’empêcher les expulsions ou encore le cadre officiel protégeant les résidences principales contre les mises aux enchères de biens immobiliers.
En Grèce, les politiques de prévention de privation de logement ne semblent pas constituer un cadre de protection sociale à la mesure des dimensions actuelles du problème. Le programme « Logement et réinsertion » (à ce sujet Kourachanis, 2017, Δημουλάς et al, 2017) a constitué une exception à ce maigre ensemble de politiques de prévention. Aux bénéficiaires de ce programme ont été inclus les foyers en cours d’expulsion.
En revanche, la tendance dominante pendant les années de crise est la dissolution des structures de protection et de promotion du logement social. La dissolution de l’OEK (Organisme du Logement Social, Loi n°4046/2012), afin d’alléger les employeurs de tout fardeau financier, ne peut que réduire les perspectives de maintien de conditions de logement décentes pour les couches socio-économiques les plus modestes. En outre, on peut considérer que la seule initiative de protection des propriétaires de biens immobiliers est la loi n°3869/2010, connue comme « Loi Katseli ». La récente révision du cadre d’application de la « Loi Katseli » est susceptible d’avoir un impact sur les phénomènes de manque de logement.
A Athènes, les tentatives politiques visant à prévenir l’absence de logement sont limitées. Parmi les principales d’entre elles, citons le Programme de Logement Social de la municipalité d’Athènes et de Programme « Syn sto Plin » de l’ONG Praksis. Le Programme de Logement Social de la municipalité d’Athènes, soutenu par la Fondation Chatzikostas, apporte des solutions de logement aux habitants d’Athènes qui font face à ce problème. L’objectif de ce programme est l’accueil de familles avec enfants, de personnes âgées, de femmes enceintes et plus généralement de personnes sans abri ou directement menacées de l’être, dans des appartements adaptés. Le programme « Syn sto Plin »soutenu par la Fondation Stavros Niarchos, se concentre sur l’apport d’aide économique ou de conseils à des personnes ou des familles touchées ou menacées par l’absence de logement. L’objectif direct du programme est de maintenir chaque famille dans une situation d’autonomie en matière économique et de logement.
Politique Sociale et Services d’Urgence pour les Sans-abri à Athènes
Les services d’urgence s’adressent à des personnes qui ne sont pas en mesure de satisfaire à leurs besoins immédiats en matière de vie quotidienne et de logement. C’est pourquoi dans ces services, des réflexes administratifs immédiats sont exigés, ainsi qu’un bon réseau de coordination et de complémentarité entre les structures intervenant dans la mise en œuvre. Les politiques d’austérité imposées ces dernières années en Europe favorisent le développement de services répondant à ces caractéristiques.
Des actions de ce type peuvent revêtir la forme d’une aide traditionnelle, telle que des foyers d’hébergement. De plus, nous constatons dans l’actuelle configuration le développement de centres de jour pour sans-abri. Ces centres constituent pour les sans-abri un important point d’accès à des aides telles que la nourriture, l’habillement, les médicaments, des articles d’hygiène personnelle, des couvertures, etc. Enfin, au nombre de ces services figurent aussi les structures traditionnelles, religieuses ou philanthropiques tournées vers les nécessiteux, telles que les cantines sociales.
Carte 1: Les principaux services et structures d’aide au logement à Athènes
En Grèce, la plus grande mobilisation autour de l’aide aux sans-abris au cours de la crise se manifeste autour des services d’urgence. Ces services s’adressent tout d’abord à la population des sans-abri ayant perdu leur toit. Ils se concentrent donc sur le traitement des phénomènes de manques de logement les plus extrêmes et les plus visibles (par ex., les sans-abris vivant dans la rue). Il est entendu que ces services visent à couvrir les besoins humains fondamentaux. L’accomplissement de telles prestations est essentiellement le fait de la société civile. Les ressources économiques permettant ces actions proviennent de fonds communautaires, de contribution volontaire de citoyens, de fondations philanthropiques ou de dons d’entreprises privées. Même dans les cas où la conception et l’organisation de structures de ce type est confiée aux municipalités, la mise en œuvre des politiques est souvent le fait des ONG.
A Athènes, des exemples caractéristiques de ce type d’interventions concrètes sont le KYADA, le Foyer d’accueil, ainsi que le Centre d’Accueil de Jour des Sans-abris (ΑΚΗΑ) de la municipalité d’Athènes. Selon son site officiel, le KYADA a commencé à fonctionner en 2005 sous le nom de Centre d’Accueil Ouvert des Sans-abris de la Municipalité d’Athènes. Sa mission principale était d’apporter une aide à la population des sans-domicile de la ville à travers la mise en place de cantines sociales et la possibilité de les intégrer à des programmes d’accueil. En 2010 il fut rebaptisé Centre d’Accueil et de Solidarité de la Municipalité d’Athènes. Le KYADA a plus de 9 000 bénéficiaires, nombre qui correspond à environ 25 000 personnes, près de la moitié d’entre eux faisant partie de familles avec enfants.
Le foyer d’accueil des sans-abris de la municipalité d’Athènes est géré conjointement celle-ci et l’ONG Médecins du Monde. Il s’agit d’une structure d’accueil immédiat fonctionnant uniquement la nuit et répond aux besoins d’hébergement urgents de ceux qui vivent dans la rue. Plus précisément, il propose des hébergements pour une nuit, des soins personnels et d’hygiène, un soutien psychologique, une assistance juridique, des conseils, des soins de santé, des services sociaux et de réinsertion. Enfin, l’AKHA de la municipalité d’Athènes est géré en collaboration avec l’ONG Praksis. Il fournit des services de soutien psychosocial, des soins de santé primaires, des soins personnels et d’hygiène, et oriente les bénéficiaires vers les services d’aide au logement, d’alimentation, de soutien psychologique, d’assistance juridique, de conseils, etc.
Politique Sociale et Services d’Hébergement Provisoire à Athènes
Les structures et services d’hébergement provisoire diffèrent des services d’urgence, dans la mesure où ils sont orientés vers la réinsertion des sans-abri en matière de logement. L’hébergement provisoire peut revêtir la forme de foyers sociaux ou d’appartements à loyer modéré avec des subventionnements du loyer, des factures d’eau, de chauffage ou d’électricité. Dans le même temps, une approche individualisée des services sociaux s’attachant à résoudre les problèmes particuliers que rencontre chaque sans-abri est jugée nécessaire. A cette fin, une série d’initiatives sont tentées afin de parvenir à assurer à ces personnes une vie autonome. Parmi ces services, mentionnons ceux qui traitent des problèmes de santé psychique et d’addictions, qui s’occupent de développer les capacités de gestion du ménage, du budget et d’éventuelles dettes. De plus, nous pourrions y inclure des initiatives visant à relier ces services aux politiques de formation et d’emploi.
En Grèce, les structures d’hébergement provisoire peuvent être considérées comme quantitativement et qualitativement insuffisantes ; fait qui a été mis en lumière par des études récentes (Κουραχάνης, 2017). Il s’agit essentiellement d’un réseau de foyers d’accueil obsolètes. Ces structures sont dépourvues de toute philosophie d’insertion, puisqu’elles ne font pas le lien entre l’hébergement qu’elles offrent et d’autres actions d’insertion sociale. Elles sont donc déconnectées d’un réseau plus large de services sociaux, tels que des programmes pour l’emploi qui pourraient renforcer les probabilités d’inclusion sociale. Le fonctionnement des Foyers, en l’absence de politiques d’inclusion plus larges, doit être considéré comme une action dénuée de débouché social (Kourachanis 2015).
La plupart des foyers d’accueil du pays fonctionnent à Athènes. Deux des foyers d’accueil les plus connus d’Athènes sont le Foyer d’Accueil des Sans-abri de la Croix Rouge et le Foyer de Karea qui dépend de l’EKKA (Centre National de Solidarité Sociale). Le foyer de la Croix Rouge fournit des services en termes de logement et d’hébergement, de nourriture, d’assistance psychosociale, principalement à des familles. Le foyer de Karea fournit un hébergement et de la nourriture aux sans-abri, aux personnes souffrant de rapports intrafamiliaux perturbés, aux personnes âgées et à d’autres groupes sociaux en situation de vulnérabilité.
Photos 1-7: Services et Structures d’Aide au Logement à Athènes
Politique Sociale et Services d’Insertion Sociale
Les services d’insertion par le logement ne peuvent se réduire à un ensemble de politiques monodimensionnelles, tournées uniquement vers le fait de retrouver un domicile. Au contraire, à ce stade, il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour apporter une réponse aux principales raisons ayant conduit à la perte du logement. Une politique d’insertion conséquente nécessite des mesures de plus large portée, susceptibles d’assurer un accès à des prestations matérielles et financières au sans-abri. De telles politiques pourraient s’incarner dans l’accès à des emplois aidés, à des services d’assistance psychosociale, la médiation des services sociaux pour traiter les problèmes sociaux particuliers de la personne sans-abri, aux actions en matière d’éducation et de formation visant à renforcer ses compétences professionnelles.
En Grèce les politiques d’insertion sociale des sans-abri sont très limitées. Il s’agit principalement d’actions menées par les ONG. Les exemples les plus significatifs sont le programme de recyclage du papier et la vente d’une revue dans la rue par les sans-abri. Ces actions rapportent un revenu minimal à ces gens et augmente leur confiance en eux et leurs chances de réinsertion. Mais jusqu’ici, rien n’a vraiment été fait pour généraliser ces politiques à une échelle globale. La conséquence de cette situation est que l’efficacité des mesures en question est extrêmement limitée.
A Athènes, l’action sans doute la plus importante favorisant l’insertion sociale des sans-abri est la revue de rue « Schedia », publiée par l’ONG Diogène. Schedia, conformément aux pratiques suivies par les revues de rue dans le monde, est diffusée par des sans-abri et des citoyens sans ressources. La revue a pour objectif de favoriser l’amélioration de leur situation économique et sociale, à travers un emploi quotidien dans le cadre de l’action en question.
Conclusion
Les services d’aide au logement à Athènes constituent le socle principal des politiques sociales en faveur des sans-abri dans toute la Grèce et reflètent dans une large mesure leurs caractéristiques structurelles. Dans la Grèce de la crise, nous observons également l’affaiblissement des maigres leviers d’intervention préexistants. Les politiques de prévention, de faibles, deviennent indigentes. Les politiques d’hébergement provisoire souffrent de leur centralisation exclusive sur les foyers, sans que cette dimension ne soit reliée à des services d’assistance sociale plus larges. Les politiques d’insertion sociale sont limitées et, de fait, inadaptées face à l’aggravation des phénomènes de pauvreté et d’exclusion sociale. Le domaine dans lequel une importante mobilisation peut être remarquée est celui des politiques d’urgence. Ceci se décline pourtant par des orientations et des caractéristiques favorisant un modèle de gestion sociale centré sur des initiatives non étatiques. Dans une période où les phénomènes de précarité en matière de logement se généralisent, les services d’aide au logement participent à l’établissement d’un modèle de gestion sociale déficiente pour tous ceux qui se retrouvent à la rue.
[1] Selon les données d’Eurostat (2018), de nombreux indices influençant les phénomènes de manque de logement en Grèce se sont aggravés au cours de la crise. Par exemple, le taux de vulnérabilité à la pauvreté et à l’exclusion sociale est passé de 27,7 % en 2010 à 35,7 % en 2016, le taux de pauvreté de 7,8 % en 2008 à 24,9 % en 2015, le taux de chômage de longue durée de 3,9 % en 2008 à 18,2 % en 2015, le taux de privations matérielles de 21,8 % en 2008 à 40,7 % en 2016, la part du logement dans le budget des ménages pauvres de 18,1 % en 2010 à 40,9 % en 2016. Dans le même temps, les dépenses publiques liées à l’aide au logement se sont réduites de 0,38 % en 2007 à 0,01 % en 2013.
Référence de la notice
Κourachanis, Ν. (2019) Politique sociale et services d’aide au logement à Athènes, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/politique-sociale-et-services-daide-au-logement/ , DOI: 10.17902/20971.88
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Arapoglou V. P. (2004), “The Governance of Homelessness in Greece: Discourse and Power in the Study of Philanthropic Networks”, Critical Social Policy, 24(1):102-126.
- Arapoglou V. and Gounis K. (2015), “Poverty and Homelessness in Athens: Governance and the Rise of an Emergency Model of Social Crisis Management”, GreeSE Paper No. 90, Hellenic Observatory Papers on Greece and Southern East Europe, LSE.
- Arapoglou, V. and Gounis, K. (2017), Contested Landscapes of Poverty and Homelessness in Southern Europe. Reflections from Athens, London: Palgrave Macmillan.
- Eurostat (2018), Eurostat Database http://ec.europa.eu/eurostat/
data/database - Δημουλάς, Κ., Αράπογλου, Β., Γκούνης, Κ. και Ρίτσαρντσον, Κ. (2018), «Πιλοτική Καταγραφή Αστέγων στους Δήμους Αθηναίων, Θεσσαλονίκης, Πειραιώς, Ηρακλείου, Ιωαννίνων, Νέας Ιωνίας και Τρικκαίων», Αθήνα: Πάντειο Πανεπιστήμιο.
- Δημουλάς, Κ., Κουραχάνης, Ν. και Καζάνη, Α. (2017), Αξιολόγηση του Προγράμματος «Στέγαση και Επανένταξη», Αθήνα: ΕΙΕΑΔ.
- Kourachanis N., (2015), “Confronting Homelessness in Greece during at time of Crisis”, Social Cohesion and Development, 10(2):113-129.
- Kourachanis N. (2017), “Homelessness Policies in Crisis Greece: The Case of Housing and Reintegration Program”, European Journal of Homelessness, 11(1):59-80.
- Κουραχάνης, Ν. (2017), Κοινωνικές Πολιτικές Στέγασης. Η Ελληνική Υπολειμματική Προσέγγιση, Αθήνα: Παπαζήση.
- Κουραχάνης, Ν. (2018), «Κοινωνικές Πολιτικές Στέγης στην Ελλάδα της Κρίσης» στο Κουζής Γ. και Δημουλάς Κ. (Επιμ.), Κρίση, Κοινωνική Πολιτική, Κοινωνικά Αδιέξοδα και Λύσεις, Επιστημονική Εταιρεία Κοινωνικής Πολιτικής, Αθήνα: Τόπος.