Zones de privations (quartiers défavorisés) en Attique
Arapoglou Vassilis|Karadimitriou Nikos|Maloutas Thomas|Sayas John
Quartiers, Structure Sociale, Économie
2021 | Déc
Nous tentons dans ce texte d’identifier les secteurs de la ville qui pourraient être caractérisés comme sujets à des privations multiples (multiple deprivation areas). Des études similaires ont été menées dans différents pays (le R-U en compte parmi les plus nombreuses) et se basent sur des variables portant sur des aspects importants de la qualité de vie et du quotidien. Les travaux inclus dans ce texte font la synthèse de nos publications concernant les secteurs défavorisés de l’Attique (Arapogou et al., 2021; Karadimitriou et al., 2021; Karadimitriou et al. 2017).
La méthode suivie dans le cas présent est simple, mais innovante pour ce qui concerne l’étude des privations dans les villes grecques : nous avons utilisé des variables disponibles dans le recensement de 2011, qui, lorsqu’elles présentent de très hautes valeurs, ou des valeurs très basses, laissent apparaître des phénomènes potentiellement inquiétants. Ces variables portent sur trois domaines différents : emploi, éducation et logement. Pour chacun de ces domaines, un indice commun a été calculé. La somme de ces trois indices constitue l’Indice Global de Privation Multiple (IGPM). Pour chacun de ces trois domaines, nous avons utilisé un nombre différent de variables, tandis que des sous-domaines ont été créés en leur sein, auxquels ont été intégrées les variables choisies (tableau 1). A chaque sous-domaine a été attribué un poids équivalent, ce qui signifie que la somme des indices des variables intégrées à chaque sous-domaine a été divisée par le nombre d’indices. Le même processus a été appliqué pour les trois domaines de base, afin que chacun d’entre eux puisse contribuer de manière équivalente à l’indice global.
Tableau 1: Variables intégrées au calcul des indices de privation
Pour chaque variable, ont été attribués dans chaque zone (UASV : unité d’analyse spatiale des villes, qui comportent une population de 1200 habitants en moyenne) des indices de privation allant de 1 à 7 sur la base de la moyenne (μο) et de l’écart-type (τα) de la variable selon le modèle suivant :
χ = valeur de la variable «ν» de l’UASV «ι»
1-7 = valeur des indices de privation
1: χ < μο ν 2: μο ν < χ < μο ν+0,5τα ν 3: μο ν+0,5τα < χ < μο ν+1τα ν 4: μο ν+1τα < χ < μο ν+2τα ν 5: μο ν+2τα < χ < μο ν+3τα ν 7: μο ν+3τα ν < χ Les très hautes valeurs (μο ν+3τα) ont été renforcées par une nouvelle unité d’indice de façon à rendre plus identifiable le groupe de secteurs où se concentrent simultanément de nombreux paramètres défavorables. Sur les cartes 1 à 3 apparaissent les différentes zones distribuées en fonction de l’Indice Global de Privation Multiple (IGPM) pour les années 1991, 2001 et 2011. De la comparaison de ces trois cartes, il apparaît que la plupart des concentrations de quartiers défavorisés sont stables dans la périphérie de la ville (Aspropyrgos-Elefsina, Salamine, Kamatero-Zefyri-Ano Liosia, Marathon et quelques autres secteurs hors carte, comme Lavrio), et dans le centre d’Athènes (Votanikos, Tavros, Rentis). Le grand changement qui apparaît clairement en 2011 est l’importante concentration d’indices négatifs dans le centre de la municipalité d’Athènes et particulièrement dans les secteurs au nord de la place Omonia et autour des axes des avenues Patission et Acharnon. [/av_textblock] [av_gallery ids='20230,20233,20224' style='big_thumb' preview_size='no scaling' crop_big_preview_thumbnail='avia-gallery-big-crop-thumb' thumb_size='portfolio' columns='5' imagelink='lightbox' lazyload='avia_lazyload' av_uid='av-jx0r9zze' admin_preview_bg=''] [av_textblock size='' font_color='' color='' av-medium-font-size='' av-small-font-size='' av-mini-font-size='' av_uid='av-jv2pwr9z' admin_preview_bg='']
Cartes 1-3 : Regroupements de secteurs d’habitation sur la base de l’Indice Global de Privation Multiple (IGPM) pour 1991, 2001 et 2011
Le contenu des zones d’habitation regroupées sur la base de l’indice global de privation est présenté dans le tableau 2. Les valeurs du tableau sont des coefficients de localisation, c’est-à-dire des multiples ou sous-multiples de la moyenne de chaque variable par rapport à l’ensemble de la ville. Par exemple, la valeur 0,69 pour le chômage dans le groupe 1 en 1991 signifie que le pourcentage des chômeurs dans les zones du groupe ayant le plus faible indice de privation en 1991 était de 0,69 de la moyenne du chômage, tandis que dans celles ayant l’indice de privation le plus élevé (groupe 6), il était 1,75 fois plus élevé que la moyenne.
Les tableaux 2-4 montrent que les variables indiquant des conditions très inférieures à la moyenne de la ville dans les secteurs de forte privation sont communes, dans certains cas, pour les trois années (1991, 2001 et 2011). Le pourcentage élevé d’ouvriers non spécialisés dans la population active, l’abandon prématuré de l’école pour les 15-18 ans et l’absence de chauffage sont des variables dont les valeurs dépassent les 130 % de la moyenne (avec pour exception le centre-ville pour 2011, où les systèmes de chauffage existaient même s’ils avaient commencé à ne pas fonctionner). En ce qui concerne les autres variables avec des valeurs élevées, on remarque en 2011 une importante augmentation des valeurs des variables portant principalement sur le fort pourcentage de concentration des groupes vulnérables (chômeurs, locataires, ouvriers non qualifiés), dans des conditions d’espace d’habitation limité (<20m2/tête). Dans ces secteurs, les immigrés originaires de pays en voie de développement – et principalement du sous-continent indien – sont surreprésentés, mais cette variable n’a pas été intégrée au calcul de l’indice de privation.
Tableau 2 : Comparaison de la physionomie des zones d’habitation regroupées selon l’IGPM pour 1991, à l’aide des coefficients de localisation des variables de populations choisies
Tableau 3 : Comparaison de la physionomie des zones d’habitation regroupées sur la base de l’IGPM pour 2001, en utilisant les coefficients de localisation de variables sociales choisies
Tableau 4 : Comparaison de la physionomie des zones d’habitation regroupées sur la base de l’IGPM pour 2011, en utilisant les coefficients de localisation de variables sociales choisies
Sur la carte 4 est représentée la dynamique d’évolution des zones de privation (quartiers défavorisés) en Attique entre 1991 et 2011. Cette carte montre les quelques 3000 zones d’habitation en Attique (UASV : unité d’analyse spatiale des villes) en fonction de la catégorie à laquelle elles appartenaient en 1991 et celle dans laquelle elles appartiennent finalement en 2011. Chaque UASV compte environ 1200 habitants en moyenne. En bleu moyen apparaissent les zones où la privation était limitée en 1991 et demeure limitée en 2011, comme décrit dans le tableau 2. En bleu ciel apparaissent les zones où un certain niveau de privation existait en 1991, mais qui ont été classées parmi les groupes de zones ayant une privation moindre en 2011. En vert foncé ou clair apparaissent les zones dans lesquelles le niveau de privation est resté moyen ou est devenu moyen au cours de cette même période. Enfin, en rouge foncé apparaissent les zones qui sont demeurées des zones de forte privation, et en rouge clair celles qui le sont devenues. De la carte 4, nous pouvons tirer trois remarques fondamentales au sujet de la localisation de la privation sociale multiple au cours de la période 1991-2011 :
(1) La privation multiple dans les poches périphériques, principalement dans la partie ouest de l’Attique, demeure stable en ce qui concerne sa localisation.
(2) Les poches internes au bassin athénien, dans lesquelles la privation multiple demeure inchangée, se limitent à quelques zones du centre de la municipalité d’Athènes et aux faubourgs de la municipalité du Pirée, tandis que dans la plus grande partie du secteur ouest, la privation multiple s’est réduite et le niveau moyen prévaut.
(3) Dans le centre de la municipalité d’Athènes, au nord de la place Omonia, apparaît une zone importante et compacte de forte privation multiple. Dans cette zone, la privation était moyenne ou faible en 1991.
Carte 4 : La dynamique spatiale et temporelle de la privation en Attique (1991-2011)
Note:
Ce texte et les publications inclues dans les références bibliographiques constituent l’ultime travail que nous avons réalisé avec notre cher collègue et ami Ioannis Sayias, qui depuis le 15/07/2020 n’est plus des nôtres.
Référence de la notice
Arapoglou, V., Karadimitriou, N., Maloutas, Th., Sayas, J. (2021) Zones de privations (quartiers défavorisés) en Attique, in Maloutas Th., Spyrellis S. (éds), Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr/article/zones-de-privations-en-attique/ , DOI: 10.17902/20971.102
Référence de l’Atlas
Maloutas Th., Spyrellis S. (éd.) (2015) Atlas Social d’Athènes. Recueil électronique de textes et de matériel d’accompagnement. URL: https://www.athenssocialatlas.gr/fr , DOI: 10.17902/20971.9
Références
- Arapoglou V, Karadimitriou N, Maloutas T, et al. (2021) Multiple Deprivation in Athens: a legacy of persisting and deepening spatial divisions. GreeSE Paper. Available from: http://eprints.lse.ac.uk/108940/.
- Karadimitriou N, Maloutas T and Arapoglou V (2021) Multiple Deprivation and Urban Development in Athens, Greece: Spatial Trends and the Role of Access to Housing. Land, Multidisciplinary Digital Publishing Institute 10(3): 290. Available from: https://doi.org/10.3390/land10030290.
- Karadimitriou N, Maloutas T, Arapoglou V, et al. (2017) La comprensión y medición de la privación múltiple en Atenas, Grecia. In: Bournazou E (ed.), Gentrificacón. Miradas desde la academia y la ciudadanía, Universidad Nacional Autónoma de México, pp. 219–242.